Guy Ferdinande, Quand les caribous reviendront...

 «  Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu… » (Charles Trénet)
« Je parle pour dans dix siècles » (Léo Ferré)
« Je l’affirme et je signe » (Jean Ferrat)
Quand les caribous reviendront, les caravanes reviendront, les hiboux reviendront, pour la frime, pour la forme, pour la rime, les lilas blancs des frimas surgiront, et les giroflées emmitouflées, et les bougainvilliers et les bayadères enamourées, tout ça. Oh, le ramdam !

Quand les caribous reviendront, les beaux jours reviendront, les esturgeons remonteront à nouveau le cours de la Deûle. D’un bruit sec dans les courées du passé les inquiétudes tomberont comme les chiffes molles qu’elles seront devenues, et les crabes, et les dettes, alouette…

Ah, Lou, êtes-vous bien sûre de ce que vous me promettez-là ?

Quand les caribous reviendront, les guimbardes reviendront, les kazoos reviendront et les grigous (vieilles badernes !) et aussi les sagouins sècheront sur pied, je tiens ça de bonne source.

Quand les caribous reviendront, les journées reviendront, rondes, pulpeuses, juteuses, sucrées, comme tout ce qui est rond pulpeux juteux et sucré se doit d’être sous peine de faire mentir les caribous qui, quand ils reviendront, auront à cœur de débusquer la carabistouille dans le marc du café matutinal.

Quand les caribous reviendront les nochères vibreront à nouveau à la nuit tombante, — car les nuits reviendront, et, ce faisant, les jours — alors les damnés de la terre et les hymnes poudreux qui s’enflamment comme de l’amadou à la nuit tombée reviendront (dirons-nous de l’amadou du caribou et des cors aux pieds que l’un va à l’autre comme la carpe au latin ? Et pourtant ite missa est.).

Quand les caribous reviendront, les Algonquins reviendront, et les Hurons, et la langue verte des Algonquins, et celle écarlate des Hurons, et celle tête-bêche des poteaux. Les caribous ne font pas peur, nulle crainte à avoir : chaque soir sera piste aux étoiles filantes… quand ils reviendront !

Car ils reviendront les chers caribous de nos bonnes pioches, et avec eux accourus d’Australie les dingos, accourus d’Aix-la-Chapelle les travailleurs du chapeaux, les têtes de linottes, les zozos, accourus de Nonochie les Nonoches, accourus de Babachie les Babaches, nos frères en fariboles, et aussi les Ostrogoths, les Burgondes, les Bigoudens, les Burnous, les Clafoutis, les Tintouins, les Millepertuis, tous plus caribous les uns que les autres.

Quand les caribous reviendront, les colchiques redeviendront visibles derrière équarisseurs et oligochètes appointés, et aussi et encore les caribous, car en effet quand les caribous reviennent tous les caribous reviennent, absolument tous, ce qui visiblement semble leur règle.

En quelques mots comme en cent : quand les caribous reviendront les caribous reviendront, ce sera fête alors ; l’aire du taon ne sera plus d’aucun fond d’ère, nous serons vernis, et comme nous en aurons soupé de toute cette poussière nous ne serons plus tenus d’opposer munitions à punitions, pouvoir à possibilité, sucre à pince ou, comme l’exige la chute, pince à linge.




Texte paru dans L'Air du Temps, recueil collectif, juin 2012
Contact : anniewallois@gmail.com

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