Julien Ferdinande, Des réincarnations en tortue (extrait)



Des réincarnations en tortues-alligators qui se passent mal. Les déchets mâchés. La chair des autres n’est que de la barbe à papa. Dans l’après-midi d’un après-guerre, le paria va d’un orgue de Barbarie à un autre. À chaque fois on veut voir Miss Univers se déshabiller, l’araignée-scorpion de son sexe. La femme à barbe pousse son propre cœur dans le landau. À quoi bon revenir à la chair de la véranda si l’on ne peut pas dire j’ai vu la fin d’un monde arraché à la chair ? Ce n’est l’anniversaire que de celui qu’on va immoler, qui s’avancera donc ? Miss Univers mange la barbe à papa piétinée. Résignations traversées. Le vent me pousse à transformer un sentiment d’abandon en landau pour poupon difforme. Je me rappelle j’étais dans mon corps comme au début d’un ciel athée où tout était facile. Même le soleil est dans l’ombre, celle d’une autre pensée. La monstruosité, on ne peut jamais en être content. Avec nos panamas brûlés et nos landaus sans roues on arrive au présent aux plus beaux Orgues de Barbarie. Même l’herbe-aux-femmes-battues vient se refaire une beauté sur les ruines du palace Paradis. Vent mort dans les vérandas. Tout au bout d’être des fous bariolés les cartes du tarot ne savent pas nous expliquer notre laideur.

Les signes par terre sont déjà des signes qui ont l’air écrasés. Mur derrière le soleil barbare. Miss Univers le voit dans sa tasse de thé qu’elle a le tétanos. Je vais jouer de l’Orgue de Barbarie ailleurs, plus près des Orgues de Barbarie cassés des salles lépreuses. La barbe à papa me dit de ne pas penser à trop d’araignées-scorpions en même temps et de laisser la musique lépreuse me dévorer le corps. Soleil taré. À quoi bon articuler, chacun est occupé à enterrer ses propres ossements ? Le parabellum troue la lumière pour voir la femme à barbe se déshabiller. Je retrouve plusieurs années après des araignées-scorpions dans ma barbe battue et traînée dans les ruelles. Un sang imaginaire coule dans le canal irriguant des orchestres mécaniques. De l’autre côté du pont en fer toutes les femmes à barbe encore vivantes cherchent de la barbe à papa acharnée. Corps à corps d’un esprit contradictoire. La carne des réincarnations, les miséricordes pilées, des charniers de barbarie accrochée à des pieux. De la véranda je tire sur les tortues-alligators de la véranda. La Pensée est le seul palais. N’allez plus leur faire du vent aux esprits du charnier, n’allez plus leur jeter vos chansons.


Par les canaux du paradis la saleté arrive à la maladie de qui veut être diseur de bonne aventure. En temps d’atterrement le seul soleil est celui d’une carte de tarot cornée. Je vais aller poser tout au bout de ma folie une tasse de thé que je ne boirai jamais. La chair de l’anniversaire pourrit sous les cloches en verre du festin futur. Des femmes à barbe se perdent à traverser le jour. Tortues-alligators à rentrer au charnier et l’herbe-aux-femmes-battues à la folie. Jour charnier, cloches en verre divines mais sales, robes de barbarie laissées sur les déesses dans la barbe à papa. Je montre à Miss Univers mes verrues, elle n’a pas voulu venir à mon anniversaire. Ce que je suis grouille ; le paradis brûle derrière de plus grands asiles. Bougies oubliées déifications ratées tortues-alligators mangées sur le mot paradis. Chiffonné comme du papier-cadeau mon esprit s’énerve au mur qui le retient. L’amnésie ne fait pas autant de kilomètres pour laisser le soleil à d’autres. Mon imagination pour passer se transforme parfois en araignée-scorpion. Le côté imaginé du monde, pas retenu, par des pilotis, pas cautérisé. Une bougie qui ne bouge plus a le droit de douter de moi. On ne peut plus remonter les versants du charnier.

[...]


Paru dans Niveau 8, recueil collectif, Ed La Poussière Dit, Octobre 2012

Prix de vente : 13 €

Contact : Julien Ferdinande (julien.ferdinande@hotmail.fr)

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