Un conte à elle toute seule
J'ai
découvert les collages de Marie Noël Döby très exactement le
lundi 24 septembre 2001. Ce jour-là, sur le comptoir de la librairie
Un Regard Moderne, rue Gît-le-Cœur à Paris, une merveille m'attendait : un
petit livre comportant 25 collages originaux, dont certains rappelant
les évènements récents du 11 septembre, et d'autres mêlant
dessins et collages. Je ne connaissais pas encore l'auteure de cette
œuvre, mais j'ai eu envie de lui écrire pour la remercier. Depuis,
j'ai eu l'occasion de voir des centaines de nouveaux collages, de
tomber sous le charme de ses poupées, et de comprendre en regardant
ses dessins qu'ils contenaient déjà les poupées et tout son
univers. "Je n'ai rien à dire sur ce que je fais", dit
Marie Noël, "je ne fais que jouer avec des couleurs". Pour
l'avoir écoutée et pour m'être pénétré de ses créations qui me
fascinent et dont je ne parviens pas à me détacher, mon opinion est
tout autre : il y a chez Marie Noël Döby la puissance, la
singularité, la pénétration d'un regard. Ses collages sont une
écriture. Ses dessins donnent naissance à ses poupées. Ses poupées
sont aussi des collages, comme les objets vaudou qui sont en fait des
assemblages intégrant des charmes et des objets cachés. Elles se
nourrissent de la sensualité de femmes dont elle s'inspire. Chaque
poupée est vivante : elle a le regard, la chair, la peau d'une femme
réelle, on peut la caresser. Marie les embrasse quand elles partent
et quand elles reviennent. Marie Noël Döby se nourrit de tout ce
qu'elle voit, de tout ce qu'elle trouve pour l'intégrer à ses
collages ou à ses poupées. Elle trouve de l'ivoire, des soies
précieuses, elle trouve même de l'or sur les marchés aux puces…
La documentation sur son travail est rare, car Marie est généreuse
: elle disperse tout. "Mes collages sont comme des papillons",
dit-elle. "Ils doivent s'envoler". Les poupées ont parfois
des ailes, comme les anges et les fées. Devant l'une d'elles, une
petite fille a dit un jour : "C'est un conte à elle toute
seule." Quel meilleur compliment ?
Philippe Lemaire
La NRM n°32 - Printemps
2013
|