Lettres à Ibrahim Abbasi, prisonnier politique palestinien
Ces courriers mensuels restent sans réponse. Rien ne dit qu'ils parviennent à leur destinataire détenu dans une prison israélienne depuis 1998, ni si celui-ci comprend la langue anglaise ou s'il existe dans sa cellule un prisonnier qui puisse la traduire. Reste l'espoir.
Lettre n° 1
Cher Ibrahim
Présentons-nous
brièvement.
Ma
femme qui s’appelle Danièle (Dan) et moi qui m’appelle Guy
allons devenir vos lointains « correspondants » – très
lointains, un peu comme on jette une bouteille à la mer – pour
les temps à venir. Nous nous sommes mis à deux pour vous écrire car
je ne parle que le français, tandis que Danièle est trilingue
(français, italien et anglais), et si par bonheur cette lettre vous
parvient et si vous lisez l’anglais alors notre démarche ne sera
pas que symbolique.
Nous
vivons à Lille, une ville cosmopolite de plus d’un million
d’habitants, dans le Nord de la France, un bastion industriel où
il pleut souvent. Dan et moi sommes nés en 1950, nous nous sommes
mariés il y a quarante ans et sommes maintenant retraités.
Auparavant Danièle et moi étions professeurs, Dan enseignait
l’anglais et moi le français, mais l’essentiel de nos
occupations s’est toujours attaché à la poésie, à la revue que
nous éditons et aux activités multiples qui gravitent autour. Nous
avons deux fils, Julien qui a 36 ans et Denis qui en a 34 : tous deux
vivent aussi en poésie. Nous n’avons pas de petits-enfants.
Dan
et moi sommes attachés à la cause du peuple palestinien depuis fort
longtemps, et c’est un honneur pour nous d’établir cette «
correspondance » par-delà les frontières, car la Palestine est
universelle.
Nous
vous saluons fraternellement et vous disons à très bientôt.
*
Lettre n°2
13
septembre 2012
Cher
Ibrahim
Quelques
nouvelles de tout là-bas, dans le Nord de la France, afin
d’entretenir notre « correspondance ».
Là-bas,
comme partout en France, les sections régionales de l’Association
France Palestine Solidarité sont très actives, également l’Union
Juive Française pour la Paix, qui militent ardemment pour la cause,
il faut bien dire universelle, du peuple palestinien. Je dis
universelle car j’ai le fort sentiment que si par je ne sais quel
incroyable coup de baguette magique cette sombre oppression était
résolue, la plupart des grands conflits qui secouent la planète
seraient immédiatement désamorcés.
Là
je viens d’apprendre l’existence du groupe des Nouveaux
historiens israéliens, cela atteste la voix d’une opposition
croissante en Israël même à cette situation aujourd’hui plus que
jamais intenable. À cet égard nous sommes en train de lire un
certain nombre d’ouvrages écrits par des intellectuels juifs
engagés, israéliens ou non, et nous avons trouvé que ces ouvrages
constituent de vrais outils politiques.
Entre
phénomène d’usure et coups de théâtre, l’histoire finit
toujours par avoir le dernier mot : dans 10 000 ans il y aura
toujours le peuple palestinien.
Nous
pensons bien à vous.
*
Lettre n° 3
14
octobre 2012
J’espère
que vous allez bien. La photo que vous voyez ici montre le panneau à
l’entrée de la ville d’Auby, sur lequel la municipalité fait
part de son soutien au combat du peuple palestinien. Il y est écrit
: « Salah Amouri enfin libre. 4160 Palestiniens encore enfermés. On
ne lâche rien. ».
En
France aussi le combat est inégal car l’État israélien a ses
entrées partout dans la classe politique, qu’elle soit de droite
ou de « gauche », mais dans le peuple il en va différemment et une
bonne partie se sent solidaire de la cause palestinienne qui par
extension symbolique est une cause universelle : non pas le bien
contre le mal, mais ceux qui ont les armes contre les désarmés,
Israël apparaissant de l’avis général comme le 51ème état des
Etats-Unis, plus généralement comme un avant-poste des intérêts de
la finance internationale.
Mais
c’est vrai qu’on ne lâche rien, le sentiment de fraternité qui
nous lie à vous est indéfectible.
Cher Ibrahim, ma femme et moi
vous saluons de tout cœur et vous disons au mois prochain.
*
Lettre n° 4
15
novembre 2012
À
nouveau nous tremblons avec cette nouvelle agression sur Gaza.
Mercredi 14 nous avons manifesté dans le centre de Lille et dimanche
18 nous nous sommes à nouveau donné rendez-vous, dans le quartier
de Wazemmes cette fois.
Je
lis dans la presse que dans le monde entier des gens manifestent leur
colère, que le peuple palestinien est dans toutes les pensées.
Ma
profonde sympathie pour la cause palestinienne remonte à plus de
quarante ans, j’étais jeune alors. Qu’est-ce qui a changé ?
Nous sommes toujours au même point. Le droit international ne
justifie toujours pas Israël, seulement ce surarmement infernal qui
en est l’absolu déni. Il en aura fallu des dollars, et à l’autre
bout de la chaîne des victimes, pour qu’une « nation » sans
passé historique, sans ressources naturelles, pas beaucoup plus
grand qu’un mouchoir de poche, entende ainsi humilier et terroriser
l’autre ! Je viens à l’instant de voir ce documentaire relatif à
L’Appel nocturne dans la prison de Ktziot qui circule sur internet
et qui montre une répression brutale à l'intérieur de cette
prison…
Les
braves gens des deux bords s’entendront-ils un jour ?
Connaîtront-ils au moins la paix ? Mais je crois qu’Israël a
besoin d’être en guerre, la brutalité essentielle de son rapport
au monde l’atteste.
Du
côté de chez nous, les pays vont de plus en plus mal et ça se
sent, les petites gens – toujours eux – s’appauvrissent.
L’hiver ne va tarder à s’ensuivre, je sais que vous n’avez pas
ce dont l’homme a besoin, j’espère que là où ils
vous ont enfermé vous ne souffrez pas du froid quand c’est
l’hiver.
*
Lettre n° 5
Lettre n° 5
« Dieu prend toujours le parti du persécuté. Si un juste persécute un
juste, Dieu se range du côté du persécuté. Si un méchant persécute un juste,
Dieu se range du côté du persécuté. Si un méchant persécute un méchant, Dieu se
range du côté du persécuté. Et même si un juste persécute un méchant, Dieu se
range encore du côté du persécuté » (Middrach Rabba, Lévitique, 27).
Après que
Gaza ait à nouveau cruellement souffert, le ciel s’est subitement éclairci :
victoire que la trêve qui, commente notre presse, laisse un goût amer à
beaucoup d’Israéliens (mais non à tous, cf. la photographie au verso) ; victoire
que l’accession de la Palestine en tant que pays observateur à l’ONU, et puis,
cerise sur le gâteau l’inculpation et la démission du Sinistre des affaires
étrangères Avigdor Lieberman.
Dernièrement,
j’ai lu deux pages d’un livre d’Emmanuel Lévyne : Judaïsme contre Sionisme, paru aux éditions Cujas en 1969, qui
m’ont interpelé et qui à mes yeux ont une portée également valable pour nous en
France où la laïcité garante de la non-confusion des genres entre politique et
non-politique (l’idéologique, le religieux, etc.), et partant de la paix, ne
doit jamais relâcher sa vigilance.
Les
signes avant-coureurs sont là, qui nous disent que le long et infernal bras de
fer qu’oppose Israël au désir de paix du peuple palestinien, ne résistera pas
au temps, j’en suis certain. Un jour peut-être pas si lointain, la pression
tant intérieure qu’extérieure mettra un terme à l’inhumanité de politiciens que
toute raison autre que guerrière égare depuis tant de temps et qui finira par
s’avérer la pente la plus savonneuse qui soit. Ce jour aura des répercussions
aux quatre coins du monde, je l’attends avec impatience.
Cher
Ibrahim, les choses changeront, c’est fatal, soyez courageux, votre force c’est
la patience tandis qu’eux sont en train de s’affoler, surtout ne perdez pas
l’espoir.
Longue vie, santé et notre amitié de France.
*
Lettre n° 6
17 Janvier 2013
Cher Ibrahim
Comme
chez nous la nouvelle année est une occasion de fête et de vœux, je vous
souhaite tant que faire se peut, et Dan ma femme avec moi, une bonne et
heureuse année, et puis surtout, c’est un point auquel nul n’échappe quel que
soit l’endroit où il habite, cette chose si essentielle, surtout quand d’elle
dépend la résistance aux affronts et aux rigueurs de l’iniquité : une
bonne santé.
Je vois
qu’à Mitzpe Ramon il fait aujourd’hui une température de
+ 22 °, ici nous sommes sous la neige et il fait – 6 °, un temps à ne pas
mettre un chien dehors, comme on dit. Par association d’idées, je suis allé
voir où se situe Mitzpe Ramon : le désert du Neguev, la différence de température s’explique !
ainsi que l’histoire de l’implantation de cette ville à partir des années 50.
Qui aurait pu s’imaginer qu’un jour on en viendrait à coloniser le
désert ?
J’ai
conscience que ce que je vous souhaite est inséparable des vœux que j’aimerais
adresser au peuple palestinien : la bonne année et surtout la santé, la
grande santé ! Soyez fort !
Je vous embrasse fraternellement.
*
Lettre n° 7
8 février 2013
Cher Ibrahim
Longtemps encore nous serons dans l’ignorance concernant la remise ou non des lettres que nous vous envoyons. Comme j’ai maintenant un très gros doute sur l’acceptabilité de celles précédemment envoyées, je vais davantage opter pour un ton plus passe-partout : il me semble que celui de la pluie et le beau temps est plus conforme à ce que l’administration pénitentiaire tolère. Là, je viens de fêter mon anniversaire (je suis votre aîné de onze ans), c’est une chose dont je ne parle jamais à personne parce que je n’éprouve pas le besoin de lui accorder la moindre importance — comme si le temps c’était le calendrier ! —, mais présentement ça me permet d’étoffer une lettre que l’excès de prudence expurge de toute inspiration, je m’en excuse. Si l’on excepte calendriers et montres, on ne sait pas trop ce qu’est le temps : la neige qui a fondu et le printemps qui ne va pas tarder montrer le bout de son nez, certes. J’espère qu’à travers les barreaux de là où vous êtes il vous est permis de percevoir un peu de ciel bleu, un peu de printemps, un peu de lointaine liberté. Nous ne perdons pas espoir que tout aille mieux un jour, n’est-ce pas !
Ma femme et moi pensons bien à vous et vous embrassons fraternellement.
Ma femme et moi pensons bien à vous et vous embrassons fraternellement.
*
Lettre n° 8
8 mars 2013
Cher Ibrahim
L’État d’Israël fait de nouveau les gros titres de la presse internationale et des ONG israéliennes avec son instauration de lignes d’autocars reliant Israël à la Cisjordanie uniquement réservés aux Palestiniens, tandis qu’en France la venue de Shimon Peres provoque le tollé des organisations et associations progressistes. Nous savons qu’il y a également des grèves de la faim dans les prisons. Est-ce que le mouvement se déroule également dans la vôtre ? Voilà pour ce début mars, pour ne parler que de ça, mais ça fait déjà beaucoup, beaucoup trop.
Je m’étais promis de ne pas trop forcer sur des considérations susceptibles de déplaire à votre comité de lecture, comment savoir si même vous comprenez l’anglais ? et voilà que déjà je m’écarte de la pluie et du beau temps. Alors, revenons à la pluie ! C’est notre lot en ce moment, pluie et grisaille sur toute la France, et jusque dans les esprits. Il faudrait que le printemps fasse vite, un grand printemps planétaire, la condition la plus importante de ce printemps — la clef des clefs —, étant celle qu’ils ont confisquée.
Ah, si nous pouvions nous parler et nous répondre, vous et nous, nous en aurions des choses à nous dire ! Mais là, nous sommes comme entre aveugles et muet. Ça ne fait rien, si vous au moins pouvez percevoir le ciel, alors tout espoir n’est pas perdu.
*
Lettre n° 9
16 avril 2013
D’un côté
je ne peux pas prendre de vos nouvelles, de l’autre j’éprouve toujours de la
difficulté à parler de mon petit chez moi. Beaucoup de mots sont toujours de
trop. J’entends beaucoup parler de
« décroissance », de « décroissance économique », autour de
moi, et je crois qu’en effet il nous faudrait tempérer très sérieusement notre
dépendance à l’inutile, et concernant le langage il me semble qu’il faudrait
renverser cette inflation de mots sans importance dont on nous gave. Je vous
dis cela, je parle pour moi, car je n’ignore pas qu’il est des cas, je pense à
votre situation, où la parole est salutaire. C’est que s’il faut des mots pour
construire la parole, réciproquement la parole n’est pas fonction des mots. En
ce cas, ils sont comme un robinet qui fuit. À beaucoup d’égards, la musique
nous dit ce qu’il faut aux mots pour qu’ils deviennent paroles. C’est ainsi que
l’on peut dire de la musique qu’elle nous parle. Le tout petit enfant qui
entend sa mère lui parler ne sait pas ce qu’elle lui dit, mais il comprend à la
musique de sa voix qu’elle l’aime. Au contraire, la parole stérile est soporifique
et son incorrigible gourmandise nécessiterait de faire régime. Il faut vous
dire que dans notre pays, les poubelles sont remplies de nourriture que l’on a
jetée en ayant bien pris soin de la refuser par hygiène aux nécessiteux. Dans
notre pays, l’abondance se remarque aux poubelles. Elle est une affaire de
poubelles. Et, les mots qui n’ont servi à rien s’y trouvent à profusion. En ce
sens je pense bien à vous, — musicalement.
Si vous tendez l’oreille, vous percevrez mes bonnes pensées vous parvenir par
la voie de la musique que vous aimez à vous rappeler.
*
Lettre n° 10
13 mai 2013
Cher Ibrahim,
C’est
la dixième lettre de notre « correspondance » et d’une certaine façon
nous pouvons nous dire amis maintenant, même si nos voix n’ont aucune chance de
se croiser jamais, mais la résistance à l’iniquité reste notre compréhension
infuse, n’est-ce pas ! La traditionnelle manifestation du 1er mai, cf. la
photo, eut lieu sous un soleil magnifique, mais les rangs étaient plus
clairsemés que jamais. La France est un pays en piètre santé, qui maigrit à vue
d’œil : officiellement l’économie de notre pays (banques, industrie,
commerce, etc.) est en crise, mais ce mot de crise est davantage fait pour
laminer les esprits que pour trouver des alternatives, officieusement cette
« crise » révèle de réels soucis tant matériels que psychologiques.
Les régimes sont comme les êtres vivants : ils croissent et décroissent.
Là il est clair que nous ne sommes plus dans la force de l’âge, les gens sont
las, ont de plus en plus tendance à ravaler l’usage de leur liberté. Ce n’est
pas qu’ils n’ont plus de forces au fond d’eux-mêmes, mais un sentiment de
fatalité leur enlève les mots de la bouche, et le 1er mai du calendrier. Au contraire,
je vous espère fort au physique comme au moral.
*
Lettre n° 11
16 juin 2013
Cher Ibrahim,
Nous sommes dimanche matin. Tout
est très silencieux. Pas la moindre petite messe pour mettre en branle les
cloches de l’église, pas la moindre petite victoire militaire du temps passé
pour rappeler aux joueurs de clairon qu’ils sont attendus devant la mairie pour
jouer l’hymne national… En Iran, Hassan Rohani a été élu président de la république
(si au moins son mandat pouvait aller dans le sens d’un peu de sérénité dans la
région). Nous avons découvert des musiciens palestiniens tout à fait
formidables : le Trio Khoury et le Trio Joubran. J’aimerais avoir le
plaisir de vous les faire entendre.
Nous
sommes maintenant lundi matin, il fait encore nuit, je pense bien à vous. Je
voudrais tant que vous recouvriez enfin la liberté, d’abord pour vous, ensuite
pour nous, pour le monde entier.
*
Lettre n° 12
16
juillet 2013
Cher Ibrahim,
J’espère que pour vous tout va pour le mieux,
en votre for intérieur s’entend, car pour ce qui concerne les conditions de
détention, la brutalité de cette nation de geôliers ne permet de s’illusionner
ni sur sa commisération ni sur son altruisme.
Nous sommes allés voir le Trio Joubran dont
je vous ai parlé la dernière fois. Le concert se passait dans la cale pleine à
craquer d’un cargo allemand. Je pense que par l’entremise de ce formidable
trio, ceux qui en France n’avaient entendu parler de la Palestine que d’une
oreille inattentive ont acquis un peu de cette matière qu’on appelle la
réalité. La musique n’est par un moindre porte-parole, vous savez ! Samir
Joubran a souhaité que ce cargo nous emmène un jour à Gaza.
Avec le mois de juillet, le climat a repris
un peu de douceur. Il était temps, car selon la presse américaine qui s’en
amuse beaucoup, la France est de tous les pays le plus morose. C’est un fait
qu’ici les gens n’ont guère le moral : criant manque d’argent pour de plus en
plus de gens et sourde conscience d’un monde dont les dés sont pipés. Probable
que le jour où ces dés pipés auront été jetés à la mer, c’est que nous serons
sur un cargo en route pour Gaza.
*
Lettre n° 13
16 août 2013
Cher Ibrahim,
Je n’ai pas trop de mots apaisés pour ce
courrier-ci. Le monde continue de s’embraser, maintenant c’est au tour de l’Égypte,
et tout ce malheur me laisse sans voix. Comment de telles horreurs sont-elles
possibles ? Pauvre Proche-Orient ! Nous sommes au XXIème siècle et le
vivre ensemble semble de plus en plus souvent une utopie, même si nous n’avons
pas le choix. Pourtant, à cette obligation souveraine il en est qui objectent
un choix : celui de la haine de l’autre. Dans ces conditions, à quoi
peuvent bien servir les mots nation,
patrie ? Ici, nos politiciens parlent toujours de rassembler les
Français, mais ils ne rappellent jamais les noms des valeurs fédératrices
inscrites au fronton de notre pays : liberté, égalité et fraternité.
Mettre dans le même projet, sans débat préalable, sans compromis équitable pour
les plus faibles, un crève-la-faim et un spéculateur est une chimère que bien
peu désirent surmonter. Beaucoup d’hommes disent croire en Dieu, mais en
dernière instance aucune croyance ne devance le dernier mot des armes. À l’encontre de la puissance créatrice qu’on
porte en soi, c’est toujours le pouvoir sur les autres conféré par les armes
qui l’emporte. Statistiquement, les hommes croient avant toute chose dans les
armes, et corrélativement dans l’argent son alter ego. Les armes permettent de
s’octroyer le pouvoir, et le pouvoir permet de s’enrichir. Voilà la triste
leçon, tandis que les femmes pleurent et que les orphelins, las de prier, s’en
vont errant de par le monde hostile...
*
Lettre n° 14
19 septembre 2013
Cher Ibrahim,
Septembre,
j’allais dire « déjà » — septembre déjà —, mais je ne jurerais pas
que le temps qui est le vôtre, sans liberté, sans soleil, emprisonné de la plus
révoltante des façons qui soient, et le temps qui est le nôtre, si différent, permettent
d’échanger un même « déjà ». J’aimerais tant vous savoir, vous et
tous nos frères de Palestine, enfin délivrés de la triste et inique condition
qui vous est faite.
Septembre
est selon moi le mois des états d’âme : je nous vois buvant un thé
ensemble à la terrasse d’un estaminet, le temps perdu nous pressant de parler
de ce qui nous reste pour imaginer et reconstruire tout ce qui a été nié et
effacé. Je ne sais même pas si vous avez femme et enfants...
En
quel septembre, la vie nous accordera-t-elle de nous rencontrer, de nous connaître
et d’échanger un même « déjà » ? L’inéluctable n’est pas
éternel, et l’espoir a la capacité d’être si solide, souvent. Je puis vous
assurer que la Palestine est chère au cœur de beaucoup, ici, en France,
beaucoup qui quotidiennement vous adressent leurs pensées.
Gardez courage, un
jour la vapeur se renversera !
*
Lettre n° 15
18 octobre 2013
Cher Ibrahim,
Trois
heures du matin, je me dis que notre « correspondance » est à certains
égards l’illustration de ce que fait l’écrivain qui écrit sans perspective de
réponse. Encore que l’écrivain qui ne s’adresse pas à une personne vivante a la
possibilité d’imaginer une réponse, de simuler un dialogue, d’échafauder un
échange, bref de bâtir une histoire, chose que dans mon cas je ne puis faire.
Je ne peux pas substituer un visage imaginé à votre propre visage, pas plus que
je ne puis remplacer votre langue par le français. Je ne sais pas comment (se)
passent vos journées, à combien vous êtes dans votre cellule, ni non plus la
promiscuité, l’exiguïté, la vétusté (pire sans doute !), le manque d’air,
le manque de lumière, la solitude. Si, bien sûr, je m’imagine, mais jamais à
quel point la réalité échappe à que ce que j’imagine.
De plus en plus de musique palestinienne nous parvient : Kamilya Jubran, le Trio Khoury, le Trio Joubran que nous avons pu voir en début de semaine dans un théâtre plein à craquer pour la seconde fois. Je pense que la musique a ce pouvoir de rendre palpable ce qui pour certains peut encore relever d’une abstraction lointaine. Quel paradoxe ! il n’est rien de plus immatériel que la musique et pourtant c’est elle qui dans nos pays donnent une voix, des voix, et de merveilleux artistes qui en évoquent plus que de longs discours. Si tant de choses échappent à ce qu’on ne peut que s’imaginer de façon intuitive, ce qui fait souvent dire : « tu ne t’imagines pas à quel point », au moins par leur entremise la Palestine acquiert-elle une présence physique et l’imagination une pierre angulaire, ce point.
De plus en plus de musique palestinienne nous parvient : Kamilya Jubran, le Trio Khoury, le Trio Joubran que nous avons pu voir en début de semaine dans un théâtre plein à craquer pour la seconde fois. Je pense que la musique a ce pouvoir de rendre palpable ce qui pour certains peut encore relever d’une abstraction lointaine. Quel paradoxe ! il n’est rien de plus immatériel que la musique et pourtant c’est elle qui dans nos pays donnent une voix, des voix, et de merveilleux artistes qui en évoquent plus que de longs discours. Si tant de choses échappent à ce qu’on ne peut que s’imaginer de façon intuitive, ce qui fait souvent dire : « tu ne t’imagines pas à quel point », au moins par leur entremise la Palestine acquiert-elle une présence physique et l’imagination une pierre angulaire, ce point.
*
Lettre n° 16
26 novembre 2013
Cher Ibrahim
J’ai dû vous dire précédemment à
propos du Trio Joubran, trio palestinien de ouds, que la musique était un grand
ambassadeur, à certains égards un bien meilleur ambassadeur que la plupart des
politiciens pour cette raison que la musique n’a pas de relâche, qu’elle
officie dans la durée et que sa signification générale — son
« message » —, peut être librement entendue, comprise, qu’elle transcende
les interprétations. Cela me semble des plus patents dans le cas de la musique
persane qui depuis des décennies émane d’Iran mais également, via la diaspora,
des États-Unis, du Canada, d’Allemagne, d’Ukraine, de France, etc., ce qui
produit un formidable effet de familiarité auprès des oreilles du monde entier.
À travers la reconnaissance de la beauté qui est universelle, le sentiment de
paix est naturellement chez lui, et ces ennemis que les pouvoirs voudraient nous
faire accroire sont dans leur très grande majorité des gens comme tout le
monde, désireux d’échanger, soucieux de vivre en bon voisinage. Ceci pour vous
dire que la sympathie que les peuples du monde éprouvent pour la cause
palestinienne est grandissante. Si, paradoxalement, le chemin du Droit n’est
pas droit, il n’en est pas moins le chemin commun qui nous mène. Un jour, le
sur-place des brutes dans la pataugeoire de l’histoire aura disparu de notre
champ de vision.
L’hiver
ne va pas tarder à se préciser : 5° chez nous contre 19° à Jérusalem et 14
à Aqaba. Je vous souhaite de vous porter le mieux possible.
*
Lettre n° 17
19 décembre 2013
Cher Ibrahim,
Ici en France, l’année se
termine. C’est ainsi : en Occident on découpe le temps comme ci, en Orient
comme ça, mais dans le fond tout le monde sait fort bien que le temps ni ne
commence ni ne finit. Il en va de même pour la Terre, elle ne commence nulle
part et ne finit nulle part, quoique les hommes se soient toujours bien en vain
affairés à la borner avec des débuts et des fins. Peu de choses échappent à ce
marquage : la musique, l’amour... La musique et l’amour sont comme la Terre,
comme le temps ou comme la lumière, quand on les enclot dans des frontières,
ils passent par dessous. Comme dans toutes les cultures, la fin de l’année qui
n’est jamais que le début de l’année — l’autre année — est prétexte aux
réjouissances et aux retrouvailles, malheureusement ce qui devrait être fête
n’aboutit plus qu’à la célébration de la consommation et ce que fêtent ces
saturnales c’est d’abord le vomi d’argent qui ne réjouit que ceux qui en ont. La
fête, tout comme le voyage, si elle n’est pas d’abord une disposition
intérieure, ne mérite pas son nom. Nos fêtes à nous se passent à bonne distance
des fastes du centre de la ville, par exemple maintenant tandis que je vous
écris.
Cher Ibrahim, qu’il me soit
permis avec cette brève lettre de vous souhaiter un peu de fête à vous aussi.
*
Lettre n° 18
19 janvier 2014
Cher Ibrahim,
J’ai
eu des difficultés à présenter mes vœux cette année : « j’espère que
ci... », « j’espère que ça... ». Nous espérons tous la même
chose au fond, il n’y a pas besoin du Nouvel An pour en faire part à la
cantonade de façon si routinière : paix, harmonie, justice, santé, gîte, couvert...
cela fait des millénaires que l’espèce humaine attend cela de l’existence. Oui,
mais voilà, tout fruit a toujours un ver. C’est d’ailleurs plutôt bon signe
pour le fruit que le ver l’élise, quand tel n’est pas le cas c’est que le fruit
est de synthèse ainsi qu’en crée maintenant l’industrie agroalimentaire américaine.
Si le ver n’était qu’un vérificateur de l’authenticité du fruit, un ver bien
dressé, alors oui je souhaiterais une bonne et heureuse année à qui veut
m’entendre. Mais tel n’est pas le cas : entre le ver qui s’emploie à ce
qu’il ne reste plus rien du fruit sain et le fruit cancérigène de
l’agroalimentaire américain (vendu avec le médicament qui soigne ce cancer, il
est vrai), nous voilà comme pris en sandwich.
Je
souhaiterais souhaiter de bonnes et heureuses choses à presque toute
l’humanité, seulement peut-on souhaiter quoi que ce soit sans qu’au préalable
on ait pu souhaiter souhaiter ? Quand on ne peut pas, on appelle ces vœux « vœux
pieux », c’est-à-dire des vœux pour la forme, des vœux qui « comptent
pour du beurre » comme disent les enfants, et les vœux de bonne et
heureuse année sont des vœux pieux. Sans rire, je me remettrai à souhaiter de
douces choses à qui veut m’entendre le jour où vous sortirez de prison, le jour
où le peuple palestinien commencera à entrevoir le bout de sa si douloureuse
condition d’existence. Seulement, ce qui me désespère est inclus dans ce que
j’espère, et ce n’est que dans cette mesure que je puis continuer d’espérer.
Pour 2014, je vous souhaite de faire mieux que moi avec mes paradoxes de vieux nigaud.
Pour 2014, je vous souhaite de faire mieux que moi avec mes paradoxes de vieux nigaud.
*
Lettre n° 19
26 février 2014
Cher Ibrahim,
Février
a passé très vite. Quand je pense à vous, je me dis que le temps,
dans votre cellule doit au contraire être très long. Peut-être que
la liberté c’est du temps qui passe vite... Pour moi, la cellule
est une chose abstraite. J’ai vu des photos de cellules de prisons
françaises, sordides, infâmes. Mais ce sont d’inodores photos.
Les photos qui sont immatérielles nous renseignent sur les choses
qui ne sont pas abstraites, et c’est ainsi que nous connaissons,
par procuration. Presque toujours la connaissance est une chose
rapportée. Vous, vous ne pourrez même jamais me dire le climat de
violence de la prison, l’exiguïté de la cellule, le nombre de
prisonniers qui la partagent avec vous, si l’on y crève de chaleur
l’été, si l’on y gèle l’hiver, ni ses conditions d’hygiène,
ni si ce qu’on vous donne à manger est mangeable, ni si vous avez
droit à la promenade et le temps qu’elle dure, etc. Je ne sais
rien. Je ne peux que transposer à partir de photos de prisons
françaises dignes des geôles ignobles de temps qu’on prétend
révolus.
Ne
désespérez de rien. C’est toujours la vie qui a le dernier mot.
17 mars 2013
Guy a acheté cette carte postale pour vous montrer où nous vivons, près de Lille. C'est une grande ville dans le nord de la France. Je me demande si vous avez une femme et des enfants. On nous a dit que vous sortirez de prison en 2016. De 1998 à 2016, cela fera 18 années de prison. C'est si long ! Comme nous savons que vous êtes né en 1961, vous aurez 55 ans quand vous serez libéré. Si vous avez des enfants ils doivent avoir dans les 30 ans. Est-ce que vous avez un fils, une fille ? Que font-ils ? Et quel est le nom de votre épouse si vous en avez une ? Toutes questions sans réponses...
Mais nous nous sentons près de vous quand nous vous écrivons et nous espérons que vous ressentez notre amitié et notre compassion.
Mais nous nous sentons près de vous quand nous vous écrivons et nous espérons que vous ressentez notre amitié et notre compassion.
*
Lettre n° 21
18 avril 2014
Comme la mer est froide entre la France et l'Angleterre, il y a des phoques qui se rassemblent près de cette plage, ces gros animaux que vous voyez sur la gauche. J'espère seulement que vous puissiez très vite revoir la Méditerranée, quand vous sortirez de prison, vous tous si injustement emprisonnés.
Comme la mer est froide entre la France et l'Angleterre, il y a des phoques qui se rassemblent près de cette plage, ces gros animaux que vous voyez sur la gauche. J'espère seulement que vous puissiez très vite revoir la Méditerranée, quand vous sortirez de prison, vous tous si injustement emprisonnés.
Lettre n° 22
22 mai 2014
...Je me demande si on vous autorise à avoir des visites et si vous avez pu voir quelqu'un de votre famille pendant toutes ces années d'emprisonnement...
*
24 juin 2014
En
réunion, les parrains et marraines des prisonniers politiques
palestiniens manifestent ces deux cas de conscience : 1) que
dire ? (ça c’est l’affaire de l’impossible interlocution
qui finit par en inhiber certains) et 2) que ne pas dire ? (ça
c’est affaire de jugeote) ; pour autant que le but soit que
nos lettres parviennent, faut-il que la parole vraie cède le pas au
vain bavardage ? « À Dieu va ! », n’est-ce pas...
Pour nous, nous en sommes au 23ème courrier, vous seul
saurez jamais combien ne vous sont pas parvenus.
En
France ainsi que partout dans le monde de nombreuses associations se
mobilisent actuellement pour soutenir votre grève de la faim en
interpellant la classe politique et en faisant circuler de nombreuses
pétitions. Grève de la faim à quoi s’ajoutent ces morts, — et
comme toujours jusqu’aux enfants-mêmes. Combien en faudra-t-il
encore avant que le suicide de cet État soit consommé ?
Je tiens à vous dire que quand je vous écris c’est aussi à la Palestine que j’écris, en premier lieu à vos frères de détention qui sont aussi nos frères. Salut à tous, et courage !
Je tiens à vous dire que quand je vous écris c’est aussi à la Palestine que j’écris, en premier lieu à vos frères de détention qui sont aussi nos frères. Salut à tous, et courage !
*
Lettre n° 24
Nous
comptions mettre une goutte de bonne humeur dans notre
« correspondance » avec une carte postale pittoresque
rapportée d’Arles où nous sommes allés écouter votre compatriote
le chanteur Tamer Abu Ghazaleh, mais nous nous rétractons :
impossible de sourire, nous la remplaçons par cette image plus
neutre d’un bord de mer comme il s’en trouve n’importe où,
qu’au moins l’immensité nous console des turpitudes de ce monde
à nouveau plongé dans la douleur et l’abjection.
Juillet
a été marqué par un très grand nombre de manifestations de par le
monde, en particulier en France où la colère a été décuplée par
les propos intolérables du président de la République et de son
gouvernement, tout le monde criant : « Nous sommes tous des
Palestiniens ! ». Partout ce sont des millions de personnes
qui, dos aux propagandes fielleuses, compatissent avec la Palestine
au rythme désespéré d’un seul et même cœur.
*
Lettre n° 25
15 août 2014
Cher Ibrahim,
Que des hommes puissent
devenir non-hommes, cela n’existe pas. Aucune mutation génétique
ne le permet. On peut les bricoler, les rafistoler, les compléter,
les modifier mais permettre qu’ils deviennent non-hommes, cela
n’est pas possible. Nous sommes tous solidaires de/dans cet être
premier qui nous est une condition, les pires individus comme les
meilleurs, le principe de vie n’étant pas tenu de donner dans le
détail. Moi, j’ai le grand regret de ne pouvoir devenir non-homme
tant la représentation que nous avons de nous-mêmes est si souvent
honteuse. Une honte dont personne ne rougit plus. Partir très loin,
chantent sûrement certaines chansons, mais il ne s’agit pas de
cela. Je préfèrerais la perfection des bêtes qui, si elles
souffrent elles aussi de notre cruauté au moins ne savent rien des
sordides raisons qui l’animent, des vains et sinistres blablablas
qui donnent langues aux hommes.
J’aimerais être comme
notre chatte qui, ne distinguant pas entre hommes et chats, se figure
que tout est chat. Quand elle attrape une souris – souris qui est
elle aussi une extension du type chat –, peut sembler cruelle, mais
sa partie de plaisir programmée pour attraper tout ce qui passe à
côté de sa patte n’est que cruauté du point de vue de
l’enseignement que nous tirons de nos propres crimes. Sans eux le
mot cruauté disparaîtrait des dictionnaires et sans doute alors
pourrais-je être le chat qu’elle croit, rêvassant mollement à un
monde sans tumulte dans l’herbe haute. Autrement, la France coupée
en deux ploie sous les vents contraires en ce moment : d’une
part ceux qui sont partis en vacances, d’autre part ceux qui sont
suspendus à ce qui se passe à Gaza qu’agace le sentiment d’un
curieux silence.
Dan et moi pensons toujours bien à vous et à vos compagnons d’infortune que nous vous prions de saluer de notre part.
Dan et moi pensons toujours bien à vous et à vos compagnons d’infortune que nous vous prions de saluer de notre part.
*
Lettre n° 26
6 septembre 2014
Qu’adviendra-t-il
de cette énième « trêve » ? Jusque quand sera-t-elle maintenue
en l’état ? La Palestine n’a besoin de paix que dans la mesure
où la paix peut s’appuyer en toute confiance sur l’autorité
incontestée du droit. Mais au point de non-retour où nous en sommes
qui peut être dupe ? Durant les mois de juillet et août, la France
a connu des centaines de manifestations de soutien au peuple
palestinien, à aucun moment la mobilisation n’a fléchi. Nous ne
désespérons pas d’un rapport de force qui finisse par renverser
la vapeur, nous ne le pouvons pas, n’est-ce pas ! Nous pensons
toujours à vous et à vos compagnons.
Dites-leur bien que nous sommes frères et que nous vous aimons.
Dites-leur bien que nous sommes frères et que nous vous aimons.
Lettre n° 27
23 octobre 2014
Nous
voilà déjà fin octobre... temps qui passe, qui passe, qui passe...
Aujourd’hui j’ai reçu un disque d’un chanteur et joueur de oud
du Néguev : Muhammad Abu Ajaj. Ce disque s’intitule Kseife,du nom
d’un village voisin de Fourah, autre village. J’ai cherché un
bon petit moment durant sur l’internet où se trouvent Kseife et
Fourah, dans le Néguev, mais je n’ai rien trouvé et je me dis
qu’il est d’autant plus possible que ces villages aient été
rayés de la carte que les bédouins ont de très très gros soucis
d’expropriation en ce moment. Vous voyez, quand je dis que la
musique excède la musique, qu’elle est un grand intercesseur en
faveur des justes causes !
J’espère
que vous allez bien ainsi que vos compagnons d’infortune que je
salue fraternellement.
Mes
meilleures pensées vous accompagnent.
*
Lettre n° 28
7 novembre 2014
On
peut s’imaginer un instant que ce qu’aurait souhaité Israël
c’est maintenir dans l’« opinion publique » internationale un
principe d’incertitude (doute, soupçon, confusion, etc.) entre
responsabilités imputables à Israël et responsabilités imputables
à la Palestine, à défaut de ralliement d’une majorité de ladite
opinion ; après tout tant que la répartition en termes de
fifty-fifty si largement relayée par les médias occidentaux faisait
son œuvre, tant que l’«opinion publique» apparaissait comme
indécise, c’était toujours ça de gagné, l’agression pouvait
se poursuivre en toute impunité. Mais c’était compter sans le
fait qu’aucun équilibre n’est jamais définitif et qu’une
logique toujours tend à ce que le fléau de la balance finisse par
pencher d’un côté. Ce qui clarifie l’« opinion » et la
transforme aujourd’hui en conscience c’est que la nature
fondamentalement guerrière d’Israël finit par prendre le pas avec
une brutalité qui va crescendo sur le jeu de rôle qui lui tenait
lieu de mise. La brutalité foncière tombe le masque, quitte à en
être suicidaire : la peau de l’agneau dont se vêtaient les
tenants de la solution finale n’est plus. La peau du loup est bien
la leur. De son côté, la pression citoyenne sur nos États
occidentaux est de plus en plus forte : il faut que ça cesse !
entend-on de toute part. Et ce d’autant plus que la condition de
nos cités, de nos quartiers, de notre pays même, est coextensive à
la condition palestinienne, comme l’a si maladroitement dénié
notre président.
Recevez cher Ibrahim, ainsi que vos compagnons, nos pensées les plus fraternelles.
Recevez cher Ibrahim, ainsi que vos compagnons, nos pensées les plus fraternelles.
*
Lettre n° 29
12 décembre 2014
Je
m’interroge sur bien des choses, vous savez. Cette nuit, après le
meurtre du ministre palestinien Ziad Abou Ein par des soldats
israeliens lors d'une manifestation pacifique, ce
sur quoi je m’interroge ce n’est pas sur la duplicité
puisque comme à l’ordinaire duplicité il va y avoir quand nos
bons hommes politiques, nos courageux éditorialistes, nos loyales
télévisions, nos fidèles journaux, vont une fois de plus
s’évertuer à ce que nous comprenions que oui ! bon !
bien sûr !... mais que cela ne peut rien changer à la nature
des relations de la France avec sa proche parente israélienne, ce
sur quoi je m’interroge c’est sur l’origine de la duplicité.
Je ne me méprends pas, son origine bien sûr c’est son histoire.
Mais que nous apprend cette histoire ? Qu’il n’y a pas d’un
côté le bien, de l’autre le mal. Qu’il n’y a pas d’un côté
la liberté, de l’autre l’assujettissement. Qu’il n’y a pas
d’un côté le droit, de l’autre l’arbitraire. Qu’il n’y a
pas d’un côté la démocratie, de l’autre le fascisme. Le bien
est comme le ver du fruit dans le mal et réciproquement ; la
liberté est comme le ver du fruit dans l’assujettissement et vice
versa ; la démocratie est comme le ver du fruit dans le
fascisme et le fascisme comme le ver du fruit dans la démocratie. Je
ne dis pas que tout vaut indifféremment tout, seulement qu’un
principe organise ce principe de balancier. Ce principe on ne le
méconnaît pas, c’est le profit et c’est le pouvoir qu’il
procure, et jusqu’au pouvoir de disculper ses forfaits sans être
contredit, puisque tout s’achète. Et si tout s’achète,
réciproquement tout se vend. Je me souviens de notre ministre
Jospin, socialiste, expliquant que si la France ne vendait pas
d’armes c’est à d’autres pays que les clients s’adresseraient.
Imparable, n’est-ce pas ! Partant de là, et à force de
persuasion, qui serait surpris que l’infamie soit blanche comme
neige ? Je m’interroge : que serait devenue l’Europe
au bout de soixante-dix ans si l’Allemagne nazie n’avait été
vaincue ? L’un dans l’autre, ne serait-elle pas comme elle
est aujourd’hui ? Maîtres et chiens de garde ne seraient-ils
pas issus d’une rationalité en tout point semblable ? Le masque
démocratique dont Israël se prévalait aux yeux du monde avec son
doucereux messianisme tombe, certes, mais que c’est cher payer pour
les damnés de la terre palestinienne !
Nos
meilleurs sentiments vous accompagnent.
*
Lettre n° 30
Est-ce que c’est parce
qu’intimement on se dit que les conditions ne sont pas remplies qu’on souhaite
à nos semblables une bonne et heureuse année ? Si elles étaient remplies
il n’y aurait pas grand-chose à souhaiter. Or il y a tant de choses désirables.
Misère de misère ! Chez nous, en France, de sordides attentats viennent de
rappeler, voire d’apprendre à ceux qui n’étaient pas au courant, que le monde
est en guerre, en guerre contre le monde, et que la planète est en train de
flamber. Pour la plupart des êtres humains vivre est une chose profondément
empreinte d’une infinie tristesse.
Mes pensées vont vers vous, ami lointain, et vers vos frères de
captivité.
Lettre n° 31
23 février 2015
Il
y a quelque temps, lors d’une réunion entre amis de la Palestine,
marraines et parrains des prisonniers politiques palestiniens ont
évoqué leur difficulté de trouver mensuellement matière à
échanger, puisque écrire c’est échanger. Dans quelque sens
unique qu’il se donne — parole émise/absence de réponse, libre
condition/condition prisonnière, temps qui passe trop vite/temps qui
ne passe pas, etc. —, l’échange n’échange que l’apparence
de hiatus dont il procède. Je dis apparence car il s’agit
davantage d’assurer nos correspondants que dans le monde, en France
particulièrement, on ne les oublie pas, que le filigrane est à son
ouvrage de tisserand, et puis de notre côté les nouvelles de
Palestine ne nous font pas défaut dont celle, nous apprend l’agence
Maan de la neige venant de recouvrir de son manteau blanc la ville de
Jérusalem.
Nous
pensons bien à vous ainsi qu’à vos compagnons.
*
Lettre n° 32
Lettre n° 32
7 mars 2015
Tout
à coup ce soupçon me revient : et si les trente-et-unes
lettres que nous vous avons envoyées jusqu’ici ne vous avaient
jamais été remises... Je sais que la chose n’est pas improbable,
que vous ne savez peut-être pas qu’en France non seulement nous
pensons à vous mais qu’aussi nous nous adressons à vous. Qu’à
cela ne tienne, dans le doute je vais continuer à vous parler !
J’ai
vu dernièrement plusieurs vidéos sur l’enseignement de la musique
prodigué à de jeunes Palestiniens : entre les ruines ou les
check-points, à travers un nombre invraisemblable d’obstacles et
au prix d’un entêtement qui force l’admiration, de très jeunes
gens apprennent le violon, le ney, le qanun, la derbouka, le chant,
ils parviennent même à se produire sur scène et à être
chaudement ovationnés.
C’est
une chose dont je suis sûr : la musique et sa sœur jumelle la
poésie constitueront un jour le point vélique du long et fastidieux
cheminement de l’humanité. Je ne sais pas dans quel état sera
notre planète à ce moment-là, possible que la terre ne soit plus
qu’une extension de Gaza à perte de vue, mais ce que je sais c’est
nous aboutirons à ça : un chant, une plainte, avec tout ce que
peut ultimement receler d’allégresse meurtrie la plainte :
« Mon Dieu, quelle pitoyable aventure ! Tout cela a été
tellement insensé ! Si au moins il y avait une marche
arrière... ».
Mais
non, s’il y avait une marche arrière, tout recommencerait comme
avant ! Mon livre de chevet a pour titre Quand la misère
chasse la pauvreté, écrit par un monsieur qui s’appelle Majid
Rahnema. Livre admirable. Eh bien mon rêve, voyez-vous, c’est
qu’un jour la pauvreté revienne, revienne pour chasser la misère.
S’il faut attendre quelque chose de la vie, c’est ça :
qu’elle nous rende la pauvreté.
Cher
Ibrahim je vous embrasse ainsi que vos compagnons d’infortune.
Nous
sommes au printemps. Il n’y a pas un pays au monde où cette saison
n’est associée au renouveau, mais l’hiver n’est pas le creux
de vague que l’on se plaît à dire : dès décembre les
bourgeons sont en place, dès janvier les feuilles poussent. La
nature n’arrête jamais son ouvrage de vie ; néanmoins c’est
un fait qu’avec la vue des fleurs qui éclosent et la tiédeur de
l’air, la tonicité se ravive et une lointaine félicité semble
frapper au carreau. Si cela ne m’apparaissait comme étant
ostentatoire, j’aimerais vous parler de choses heureuses qui
viennent avec le printemps mais la présomption que ces choses
heureuses ne se cognent à la grisaille de l’enfermement m’en
retient. Bien entendu, ce n’est pas une raison pour qu’entre nous
les choses affligeantes soient mon seul sujet de conversation. Du
temps où j’étais enseignant, j’ai une fois remplacé un
professeur de Lettres — aveugle — qui était mort de peur tant
ses élèves conspuaient son enseignement. Plus tard, j’eus
l’occasion de croiser une jeune femme qui avait été son élève
et qui me rapporta à ce sujet que la classe, selon elle, jugeait
intolérable qu’un professeur aveugle leur parlât... de peinture.
Ces élèves n’admettaient pas qu’un aveugle puisse à force
d’études et de patiente reconstitution partager le monde de
peinture qu’il s’était donné ; à leur façon ils le
renvoyaient à la cécité sa prison. Voyez comme c’est bête, moi
je vous dis que je ne puis vous parler de choses heureuses, que ce
serait comme faire étalage de richesses devant quelqu’un qui en
est privé, et vous si, comme ce professeur de Lettres, avez au fond
de vous des choses heureuses dont vous auriez plaisir à me parler,
vous ne le pouvez pas non plus. Nous sommes vous et moi de part et
d’autre de ces signes sans voix que sont pour toute passerelle mes
courriers. Qu’à cela ne tienne, continuons le combat !
Toujours pareil, et malheureusement je me répète : entre raser le sol des désespérantes actualités ou prendre le ton badin de celui qui ne sait pas comment changer de sujet, pour quel ton opter ? L'exercice est sans réponse, aussi je propose que vous et moi, assis sur un banc à l'ombre d'un platane nous prenions le thé et devisions un peu. La musique est un sujet sur lequel nous ne manquons jamais de tomber d'accord. Nous trouvons formidable Sabîl, le CD du oudiste jordano-palestinien Ahmad Al-Khatib, et aussi que de plus en plus d'échos de la vie musicale nous parviennent de Palestine. Par exemple, dans le dernier numéro du splendide magazine Qantara, le magazine de l'Institut du Monde Arabe, il y a un article sur le jeune luthier palestinien Shehada Shalalda recommandé par Ramzi Aburedwan, le fondateur du projet Al Kamanjâti. La lumière qui nous vient de réalisations apparemment si modestes n'a pas l'éclat aveuglant des déflagrations homicides, elle n'en passe que mieux sous la porte.
Mes bonnes pensées ainsi qu'à vos frères de détention.
*
Lettre n° 34
15 mai 2015
Toujours pareil, et malheureusement je me répète : entre raser le sol des désespérantes actualités ou prendre le ton badin de celui qui ne sait pas comment changer de sujet, pour quel ton opter ? L'exercice est sans réponse, aussi je propose que vous et moi, assis sur un banc à l'ombre d'un platane nous prenions le thé et devisions un peu. La musique est un sujet sur lequel nous ne manquons jamais de tomber d'accord. Nous trouvons formidable Sabîl, le CD du oudiste jordano-palestinien Ahmad Al-Khatib, et aussi que de plus en plus d'échos de la vie musicale nous parviennent de Palestine. Par exemple, dans le dernier numéro du splendide magazine Qantara, le magazine de l'Institut du Monde Arabe, il y a un article sur le jeune luthier palestinien Shehada Shalalda recommandé par Ramzi Aburedwan, le fondateur du projet Al Kamanjâti. La lumière qui nous vient de réalisations apparemment si modestes n'a pas l'éclat aveuglant des déflagrations homicides, elle n'en passe que mieux sous la porte.
Mes bonnes pensées ainsi qu'à vos frères de détention.
Et
nous revoilà en juin ; les mois défilent, les années
défilent, pour ne rien dire de la vie qui elle aussi défile. En
tout cas l’été revient, c’est-à-dire un peu de chaleur, et
avec la chaleur et la lumière, les fleurs du jardin, et avec les
fleurs du jardin une colonie de bourdons qui les butinent, — la
pure symphonie champêtre ! Du matin au soir, ils butinent, ils
sont infatigables. Je vous souhaite quand votre détention sera
terminée, dans un an et demi si je ne m’abuse, de pouvoir
l’entendre vous aussi, il n’y a rien de tel pour se refaire de
bonnes pensées. Je bois un verre (de thé) à votre santé à tous.
Portez-vous bien.
*
Lettre n° 36
12 juillet 2015
C’est
un été bien moins assourdissant que celui de l’an dernier où les
manifestations contre l’horrible agression de Gaza nous tinrent
durablement sur la brèche. Pas de quoi pavoiser toutefois, les
choses ne sont pas là d’infléchir leur cours à court terme, sans
parler des terrorismes à grande échelle qui à leur tour
ambitionnent d’occuper toute la place mais, bon, là nous
retrouvons un peu de temps pour nous avant que le maelström emboîte
le pas au méli-mélo et nous gobe tout crus, car après que
l’existence ait été un typhon, c’est le siphon qui conclura la
partie.
Une
équipe d’archéologues a trouvé en Allemagne une flûte en os de
vautour vieille de 35000 ans. Pas 3500 ans : 35000 ! Il y a
35000 ans, soit l’Homme de Néanderthal soit
l’Homo sapiens – on ne sait pas qui des deux –, fabriquait déjà
cet instrument dont la gamme de notes, nous dit-on, était semblable
à celle de nombreuses flûtes actuelles.
On
se figure que les questions devancent les réponses, mais ce n’est
même pas insuffisamment dire les choses : les questions sont
devancées par les réponses tout comme la réflexion l’est par
l’action. Et c’est pour ça que la paix est une chose si
relative. Je ne doute pas un instant qu’il y a 35000 ans les hommes
se servaient déjà de préfigurations de kalachnikov pour
s’accaparer la part des autres, ni que dans 35 000 ans il n’y
aura plus personne pour jouer de la flûte. Moi, j’essaie d’en
jouer de toutes sortes mais ce n’est pas enchanteur, je m’y suis
pris trop tard, peut-être pour m’être obstiné à me fier à
l’ordre d’apparition questions/réponses, quelque chose dans ce
goût-là... Enfin, bref.
Je
vous salue fraternellement ainsi que vos compagnons.
*
Lettre n° 37
Malgré
l’atténuation des détonations meurtrières par rapport à l’an
dernier, il n’était pas pensable que l’été pût être moins
assourdissant. Et en effet, tandis qu’elle continue de se noircir
en sous-main, la
« colonisation » israélienne (il vaudrait mieux parler
d’expropriation, d’expulsion) dédouanée de toute suspicion à
son égard par l’ultra-orthodoxie religieuse qui s’est empressée
de rallumer l’incendie,
exhibe un blanchiment de façade qui n’illusionne personne au
monde.
On
pourrait penser que les Israéliens sont masochistes (ou sadiques
selon la dose qui prévaut) mais à la longue ils m’apparaissent
surtout comme étant sous influence, endoctrinés, manipulés,
fanatisés, parce que, quand même, une telle unanimité ! Tout
comme Wilhelm Reich a écrit La Psychologie de masse du fascisme
dans les années 30, il faudrait que quelqu’un se mette à écrire
La Psychologie de masse du sionisme ; il y a quelque
chose qui aujourd’hui fait système sous cet angle.
S’évertuer
à prétendre que Téhéran, le Hamas ou je ne sais qui d’autre
veut leur ruine, ne saurait cacher l’aveuglement qu’ils
pratiquent et l’insondable pulsion d’autodestruction qui les
anime.
Je
vous salue fraternellement ainsi que vos compagnons.
*
Lettre n° 38
Septembre ! En septembre, les vacances terminées, pour beaucoup de monde la vie de tous les jours reprend son cours.
À
Lille, il est une tradition très ancienne qui n’est ni plus ni
moins qu’un marché devenu avec le temps très particulier
puisqu’il consiste à vendre de vieux objets dont on se
débarrasse : ce marché très particulier s’appelle braderie
(du verbe brader : vendre des objets à n’importe quel
prix), et la braderie de Lille, la plus grande d’Europe, attire des
millions de personnes qui viennent des quatre coins de France mais
aussi du monde, les uns pour vendre, les autres pour chiner (chiner :
fouiller dans les objets d’occasion, beaucoup d’objets
d’occasion, insignifiants, rentrant dans la catégorie on peut dire
poétique de ce qu’on appelle bricoles) : un pèlerinage
quoi ! Un pèlerinage voué aux vieux objets, aux bricoles. Par
exemple, Dan est revenue avec un tombereau de livres enfantins
qu’elle a acheté pour notre petite fille.
En
principe ça dure trois jours et deux nuits sans interruption dans
une très grande partie de la ville, en réalité des marchands déjà
installés depuis parfois une semaine vendent sans trop se faire voir
car alors ce n’est pas autorisé. La coutume veut que le jour de la
braderie on mange des moules et des frites. Une fois le repas
terminé, les restaurateurs versent les coquilles vides des moules
sur la chaussée jusqu’à en faire des montagnes.
Voilà,
dans le Nord de la France où tout au long de l’année, chaque
ville, chaque commune, chaque village organise sa propre braderie,
c’est comme ça. Et c’est peu dire que les gens les fréquentent
massivement. Comme avec n’importe quelle manifestation populaire,
n’importe quelle fête, leur esprit capté par l’étalage des
bricoles fait une pause, oublie les multiples soucis, retrouve
le goût de la communauté humaine à ce moment-là réconciliée
avec elle-même, ce qui me semble le sens premier de l’existence.
Après quoi s’en viendra l’automne qu’on appelle ici été
indien et qui est ma saison préférée.
Je
pense toujours bien à vous ainsi qu’à vos frères de captivité.
PS : Cette année l'association France-Palestine a participé au semi-marathon. Le drapeau palestinien a été déployé dans les rues de Lille.
*
Lettre n° 39
Et revoilà la
pauvre Palestine à nouveau la proie d’un cycle d’agressions
encore plus... non, pas encore plus, le tribut payé à la liberté,
à la souveraineté et aux droits fondamentaux est déjà tellement
immense que le plus est excédé depuis longtemps. J’admire
vraiment la résistance, la capacité surhumaine de résistance,
du peuple palestinien. Souvent je me demande comment il fait, ce
peuple si souvent saigné à blanc, pour ne pas désespérer, d’où
lui vient un tel courage.
Et d’un autre
côté, car les Israéliens ne sont pas des mutants, pas des
monstres, ils sont de chair et d’os comme tout le monde, comment
une telle folie en arrive à se propager en système haineux si
unanimement plébiscité.
L’éthologie nous
apprend que quand deux loups mâles se battent, le vaincu présente
sa gorge en signe de soumission et le vainqueur alors se détourne
sans l’achever. Est-ce que la compassion est issue de ce lointain
comportement animal ?
Mais l’on sait
aussi que dans certains cas des animaux peuvent redevenir horde et
retrouver une insoupçonnable férocité, en arrivant même à tuer
leur maître comme ce fut le cas de cette femme retrouvée morte, la
plus grande partie du visage dévorée par ses quatre chiens
rottweiler.
Je crois que nous
touchons maintenant à quelque chose de cet ordre, quelque chose de
viscéral, de pathologique où l’instinct de horde finit par
l’emporter sur leurs appréciations et divergences idéologiques
qui font la démocratie, puisque Israël est une démocratie. Je ne
dirai pas que tous les Israéliens sont des brutes, mais force est de
constater que la brutalité aveugle unit maintenant l’approbation
la plus troublante avec la légitimation la plus abjecte. C’en est
à se demander quel dieu de paix a jamais retenu le goût du sang de
remonter à la surface.
Nous
aspirons du fond du cœur à ce que vous soyez
libéré (dans moins d’un an, n’est-ce pas ?).
*
Lettre n°40
La
France vient brutalement d’entrer dans une zone de turbulence
extravirtuelle qu’elle n’aurait jamais osé imaginer. Depuis le
temps que les médias s’employaient à nous faire voir, à nous
faire entendre, voire à nous persuader, que les guerres ne se
passaient que « là-bas », que la guerre n’était que
ce qu’étaient seuls capables de faire les autres. Bien sûr, nos
politiciens nous avaient dit sans trop s’appesantir que la France
était en guerre, mais pour la majorité des citoyens que cette
confidence n’avait pas pour but d’effrayer, la guerre menée par
cette infatigable pourfendeuse d’injustices n’impliquait pas que
l’on fût deux à la faire : il s’agissait davantage d’une
sorte d’euphémisme pour caractériser des opérations de police
menées en divers endroits du monde et plus particulièrement, ces
derniers temps, au Proche-Orient. Du coup, les morts sont beaucoup
moins abstraits, plus difficiles à renvoyer dos à dos avec des
adversaires lointains et abstraits. La guerre a toujours un prix.
Nous pleurons nos morts, nos frères, nos enfants, nos amis, nos
voisins, comme les Palestiniens pleurent les leurs depuis tant de
temps, et ce faisant nous nous dessillons. Déjà le jeu d’alliances
de notre pays s’en trouve substantiellement bouleversé, — ou
comment la réalité se rappela à notre bon souvenir...
Je
vous embrasse fraternellement ainsi que vos frères de captivité.
*
Lettre n°41
Vu
de France, la vie n’est pas tout rose (« La Vie en rose »,
c’est le titre d’une chanson d’Édith Piaf), le ciel n’est
pas tout bleu, les prés ne sont pas tout verts, l’hiver n’est
pas tout blanc, le sang n’est pas tout rouge : c’est la
combinaison de ce que toutes ces choses ne sont pas qui confère au
gris son triste empire. Jusqu’aux pensées qui se sont imprégnées
de cette couleur qui en certains endroits se distingue mal de la
boue. Les fabricants de gris doivent avoir d’énormes commandes !
Si au moins une coccinelle,
que depuis le Xème siècle on appelle chez nous « bête à bon
dieu », avait
l’heureuse idée de venir mettre quelques-uns de ses petits points
sur la réalité. Mais nous sommes en décembre, les coccinelles ont
disparu, il faut attendre encore quelques mois avant de les voir
réapparaître. Attendre et espérer, c’est aussi notre réalité.
Tiens, puisque ça fait maintenant un certain nombre d’années que
je t’écris, et puisque je pourrais être ton frère aîné, je te
propose que nous nous tutoyions. Entre frères, c’est comme ça que
ça se passe.
Je
t’embrasse fraternellement, également ceux dont tu partages le
sort.
*
Lettre n°42
Pour
nous, Français, qui dépendons du calendrier grégorien, ce mois de
janvier marque le nouvel an à l’occasion duquel il est d’usage
de présenter ses vœux. Les nouvelles années des calendriers
hégirien, persan, éthiopien, chinois, etc., doivent donner lieu,
elles aussi, à semblables attentions. Cette tradition est commune
aux cultures.
Pour
nous qui ne sommes pas devins, les dés étant pipés, il est exclu
que nous nous hasardions à dire que des jours plus sereins nous
tendent les bras. Le temps des dénouements n’est pas pour demain,
mais pour ce qui te concerne, cher Ibrahim, je te souhaite de sortir
de prison comme prévu en septembre prochain et surtout une bonne
santé.
Je
t’embrasse fraternellement, ainsi que ceux dont tu partages le sort
et à qui j’envoie aussi mes vœux.
*
Lettre n°43
Les
hommes désirent vivre en paix mais leur penchant naturel au conflit
n’arrive pas à tirer profit de ce vœu pieux. Les hommes désirent
le bonheur mais ils ont du mal à le partager. Les hommes aimeraient
trouver des solutions mais leurs problèmes forment un méli-mélo
inextricable. Regarde ce qui se passe en Syrie — je ne sais pas si
dans ta cellule te parvient la pitoyable situation de ce pays — des
rebelles de toutes obédiences qui luttent contre Bachar al-Assad,
les uns pour se libérer de sa tyrannie, les autres pour grignoter un
peu de plus-value, ledit Bachar al-Assad qui martyrise les
populations. Des barbares (Daech) qui ayant envahi ce pays ainsi que
l’Irak afin d’y créer un califat martyrisent aussi les
populations tout en se battant contre Bachar al-Assad et contre les
rebelles, certains soutenus par l’Europe, la Turquie, les USA,
l’Arabie Saoudite. Des Kurdes qui se battent contre Daech mais que
bombarde la Turquie. L’Iran, le Hezbollah et la Russie qui se
battent aux côtés de Bachar al-Assad, la Russie allant jusqu’à
bombarder les rebelles qui se battent pour se libérer du joug du
tyran au grand dam de l’Europe, de la Turquie, des USA et de
l’Arabie qui font profil bas. La Turquie et la Russie qui sont à
deux doigts d’en découdre... L’Iran et l’Arabie Saoudite qui
se toisent à défaut de se voler dans les plumes... Je dois oublier
des protagonistes (Israël avec quelques coups de griffes ici et là
doit bien se trouver quelque part dans l’écheveau). Tant et si
bien que, tout le monde se trouvant en guerre contre tout le monde
Daech qui finit par faire office de prétexte, ou d’alibi, dans le
chassé-croisé des règlements de comptes se voit relégué au
second plan s’il faut en croire les informations qui nous
parviennent. Je te parle de ça pour ne rien ajouter que tu saches
concernant la situation de ta patrie aujourd’hui face à
l’adversité impitoyable. La Syrie qui comptait une bonne vingtaine
de millions d’habitants est aujourd’hui purgée d’une moitié
partie errer sur les routes mal famées du monde pour échapper au
massacre. Le pire c’est que ce n’est pas seulement insensé,
absurde, criminel, c’est aussi l’endroit où toutes les intérêts
rivaux du monde s’en vont croiser le fer : c’est
machiavélique. Pauvre Proche-Orient ! Quand arriverai-je à te
faire part de choses réjouissantes ? Enfin, quand même une :
nous avons vu il y a quelques jours un excellent récital du chanteur
palestinien Khairi Hatem (cf. photographie) devant une salle pleine à
craquer. C’était très chaleureux.
Je t’embrasse fraternellement.
Je t’embrasse fraternellement.
*
Lettre n°44
24 mars 2016
Les
attentats qui pleuvent sur l’Europe en ce moment donnent une (très
petite) idée de la terreur qui est infligée au peuple palestinien.
Encore faut-il que cette idée vienne à l’esprit, or quand il y a
des drames de ce côté-ci du monde, c’est forcément son organe
vital qui est touché — rien à voir avec Gaza : les plaies ne
sont pas les mêmes et la misère des autres ne saurait arriver à la
cheville de la misère des uns. Et pourtant, comme tout cela
participe d’un système sans discontinuité ! Aujourd’hui on
dit mondial ou mondialiste comme hier on disait
impérialiste mais rien de tout ça n’est fini. Sur la
notion de « guerre » que notre premier ministre assène
de façon suffisamment insistante pour qu’on finisse par sentir
qu’entre le message donné comme explicite et la puce qu’il nous
met à l’oreille il y a deux, je ne te donnerai pas mon avis ici
mais une chose est sûre, ce qui se passe dans la mondialisation —
pour ne pas dire le monde — arrange bien des desseins et
annonce bien des cocktails à venir. De telles choses ne coûtent pas
cher, ce sont les peuples qui payent.
J’espère
que tu portes bien et t’embrasse fraternellement.
*
Lettre n°45
19 avril 2016
Si
on n’y prenait garde, si on se laissait aller, si on se laissait
faire, on radoterait. Ce n’est pas qu’on oublie ou qu’au fond
de soi on ne rumine pas — bien au contraire, les sujets ne manquent
pas —, c’est qu’arrivé à un certain point les ressources du
langage sont épuisées et qu’à cet endroit parler et ne rien dire
reviennent au même. Ce certain point concerne le fait de pouvoir
agir ou pas ; quand parler n’implique plus quelque agir que ce
soit, tendre l’oreille en direction de ce qui, de l’autre côté
du miroir, bouge et régénère n’est pas décrocher.
Ce
dimanche, j’accuse le poids de la chape de mots, de la chape
d’informations. Le Pouvoir travaille le citoyen à l’overdose, il
le gave comme on gave les oies jusqu’à ce que son esprit
devienne obèse : voici des mots, pas des mots doux, de bons gros
mots, de bonnes grosses « informations » : —
Digère-nous tout ça, mon gars !
Pendant
que je t’écris j’écoute de la flûte japonaise (shakuhachi). À
la fin du mois, après le Trio Joubran, Tamer Abu Ghazaleh et Khairi
Hatem vus précédemment, nous irons assister au concert de la
chanteuse palestinienne Kamilya Jubran.
Je t’embrasse fraternellement, et amitiés aussi à tes compagnons.
Je t’embrasse fraternellement, et amitiés aussi à tes compagnons.
*
Lettre n°46
20 mai 2016
Le
grand remue-ménage en France continue, le Pouvoir « socialiste »
assujetti aux multinationales et à la finance sans rivages tâche de
faire passer en force une loi du travail parfaitement rétrograde, et
même doublement en force car l’ensemble de ses forces de police
est maintenant lâché contre le peuple en colère. Dans certaines
villes les scènes de grande violence deviennent monnaie courante, le
climat insurrectionnel qui gagne insensiblement les manifestations
montre que l’État est incapable de refermer la boîte de Pandore
qu’il a ouverte. Pour l’heure c’est notre pays qui est frappé
par cette restriction du droit, mais nous ne nous y trompons pas,
avec la mondialisation et ses diktats marchands partout les mêmes ce
genre de situation est appelé à se propager. Ceux qui voient les
choses en termes d’universalité feraient bien de s’inquiéter de
ce qu’un certain fascisme ne s’universalise pas lui aussi. Et là,
la non-reconnaissance internationale de l’État palestinien
souverain, libre et indépendant me semble la pierre angulaire de ce
malaise dans la civilisation, comme l’appelait Freud. Si les
Puissances ne marchent pas à la paix c’est que la paix est
économiquement parlant de peu de profit. Du point de vue de nos
sociétés et de la croissance économique qui leur est une
conscience, la paix c’est « peau de zébi » comme on
dit pour « rien » : le degré zéro du tout
progrès ! Bon, on verra bien ce que nous apporte juin.
Amitié fidèle à vous tous.
Amitié fidèle à vous tous.
*
Lettre n°47
27 juin 2016
Il
y a quatre jours j’avais commencé à t’écrire ceci :
« Pour cette fois-ci tu trouveras ma motivation bien prise
au dépourvu. Cette nuit j’ai la cuisante impression que les mots
glissent sur la surface de la réalité, impression que la réalité
est ce sur quoi les mots glissent, ce sur quoi le langage patine,
comme si la réalité était couverte d’une couche de verglas, à
moins qu’elle ne fût cette couche de verglas »,
et puis je me suis interrompu, pas inspiré...
Il
y a que l’Europe déprime dur en ce moment : les puissants
s’alarment parce que leur hégémonie fait des vagues mais surtout
les peuples dont les ailes ont déjà bien été rognées au fil des
cinquante dernières années tâchent à nouveau de relever le
front — leur tâche est rude. En période de récession comme
celle dans laquelle nous sommes installés, il apparaît de jour en
jour qu’il n’est dans la nature d’aucun pouvoir politique, pour
ne pas dire économique, de leur accorder le droit au minimum vital
sans leur en faire payer le prix fort. Toute proportion gardée, la
mondialisation ayant planifié l’interdépendance marchande, il ne
faut pas gratter beaucoup pour trouver que ce qui se passe en
Palestine a sa transcription en France...
Quand
même, aujourd’hui le soleil est là, ce qui n’a été que
rarement le cas en juin. Dan est en bas au jardin en train d’écrire
et moi dans mon bureau, j’alterne le courrier et la flûte.
Notre amitié à vous tous.
Notre amitié à vous tous.
*
Lettre n°48
Contrairement
à nombre de régions du monde, celle où nous vivons, au nord de la
France, est une région où le soleil, facétieux, aime à jouer à
cache-cache avec les nuages (il y pleut en moyenne 127 jours par an,
mais même quand il n’y pleut pas le ciel n’est pas du plus
éblouissant des bleus). En contrepartie, le Nord est très
verdoyant, — humide et verdoyant. Je te dis ça parce que depuis
deux jours il fait enfin très beau (32 ° à ma table de travail) et
que je n’ai pas le cœur à épiloguer sur « nos »
drames : mon avis aujourd’hui serait que celui qui règne sans
partage sur le monde, c’est le ver du fruit (quoique je reste
disponible pour en changer).
Nos bonnes pensées à vous tous.
Nos bonnes pensées à vous tous.
*
Lettre n°49
10 août 2016
C’est
un curieux été. Peut-être que si je m’étais penché sur la
nature des étés précédents j’aurais pu leur trouver à eux
aussi, en cherchant bien, un air de curiosité, mais les faits sont
là : ce n’est que cette année que ça me vient. D’abord
il y a les dramatiques événements qui saignent les peuples à
blanc. Conjointement, la collusion de ces dramatiques événements
avec une misère politique qui est loin d’être indifférente à la
misère des choses de l’esprit en général. Et le climat qui ne
sait plus sur quel pied danser. Et plus intimement cette sorte de
regard, lui-même curieux qui vous vient avec l’âge, comme s’il
s’affûtait à mesure que les sens baissent. Et puis quoi encore ?
Qu’on ne me dise pas que tout ça ne fait pas système ! Ces
hauts et bas du temps avec forte prédilection pour le bas, c’est
ce qui s’appelle un maelstrom. Et c’est un fait que, tant que la
sphère convergente des catastrophes physiques et métaphysiques à
laquelle nous avons affaire ne se dénouera pas, toute considération
complotiste se suffira du fond de vérité qui lui est nécessaire et
suffisant. Heureusement, nous ne sommes pas dépourvus de toute
défense (chère vieille vitalité !).
À toi le meilleur de nos
pensées.
*
Lettre n°50
20 juillet 2016
Ce
50ème courrier est aussi le dernier que Dan et moi
t’envoyons puisque théoriquement ton incarcération prend fin le
26 courant. Comme je ne suis pas sûr que la machine judiciaire
israélienne ne trouvera pas une entourloupe in fine pour t’empêcher
de recouvrer la liberté il me faut de surcroît espérer que ce
courrier sera bien le der des der. Si t’écrire fut une goutte de
résistance dans l’océan saumâtre de l’arbitraire et de la
force brutale, elle restera un honneur dans nos esprits. Je souhaite
de tout cœur que la France rompe avec son lâche alignement sur la
politique israélienne, je souhaite de tout cœur que la communauté
internationale et l’ONU fassent enfin montre d’une détermination
face à l’intolérable et conviennent de sanctions à l’encontre
d’Israël, et surtout je souhaite de tout cœur que tu puisses
reconstruire ce dont tu as été privé pendant dix-huit ans. Longue
vie paisible à toi ! Tes amis de France.
***
Pour info :
Juillet 2012
- L'Association France-Palestine Solidarité invite ceux des membres de
l'association qui le désirent à parrainer un/e prisonnièr/e
politique palestinien/ne*. Cela consiste pour le parrain ou la
marraine à envoyer mensuellement en Israël un courrier au prisonnier ou à la
prisonnière dont il ou elle aura reçu le nom et l'adresse de la
prison dans laquelle il ou elle est détenu/e – sans préciser
l'adresse de l'expéditeur afin que le courrier ne soit pas retourné. De ce fait parrains et marraines ne recevront pas de réponse. Une liste de données pour 4500 prisonniers palestiniens a été
constituée. En janvier 2013, 1700 parrains et marraines sont
inscrits.
Nous savons, fin 2013, par la bouche de prisonniers récemment libérés, que les lettres parviennent à leurs destinataires, du moins pour un certain nombre.
Pourquoi parrainer un prisonnier politique palestinien :
http://www.france-palestine.org/IMG/pdf/parrainage_des_prisonniers_palestiniens_-_fiche_projet-vf.pdf
Janvier 2013 - Environ 4500 prisonniers sont à ce jour détenus dans les prisons israéliennes, dont des femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes malades.
Avril 2014 - "Bonjour à vous, Parrains et Marraines,
Nous vous rappelons que le bon contact pour avoir des informations sur les prisonniers politiques d’une façon générale ou pour une question précise sur "votre" filleul est uniquement l’adresse suivante : soutienprisonniers@gmail.com
C’est la seule adresse utile puisque c’est l’adresse dédiée à l’activité de la campagne de parrainage ! L’utiliser permet d’alléger la tache de Lamia... Et d’être plus réactif ! Alors, pensez-y s’il vous plaît...
En bientôt 2 ans de campagne, nous sommes maintenant 2 623 parrains et marraines, dont environ 50 % sont des adhérents de l’AFPS.
Il y a aussi des parrains et marraines "spontanés", en Angleterre.
Début 2014, plus de 5 000 prisonniers palestiniens, sont incarcérés, dont 181 adolescents de moins de 18 ans, 14 membres du Conseil législatif (parlement palestinien) et 12 femmes. Alors, n’oubliez pas que l’on peut parler de notre engagement autour de nous.
Dans les bulletins, nous diffusons les traductions de lettres reçues directement par des parrains, mais également à l’AFPS.
Ces lettres sont un encouragement à persévérer. Elles nous permettent de savoir que nos envois sont souvent distribués et que quand ils arrivent, ils sont lus avec attention, circulent au sein de la prison, sont importants au moins en tant que traces de solidarité et très certainement une source de joie, là où il y en a peu."
Nous savons, fin 2013, par la bouche de prisonniers récemment libérés, que les lettres parviennent à leurs destinataires, du moins pour un certain nombre.
Pourquoi parrainer un prisonnier politique palestinien :
http://www.france-palestine.org/IMG/pdf/parrainage_des_prisonniers_palestiniens_-_fiche_projet-vf.pdf
Janvier 2013 - Environ 4500 prisonniers sont à ce jour détenus dans les prisons israéliennes, dont des femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes malades.
Avril 2014 - "Bonjour à vous, Parrains et Marraines,
Nous vous rappelons que le bon contact pour avoir des informations sur les prisonniers politiques d’une façon générale ou pour une question précise sur "votre" filleul est uniquement l’adresse suivante : soutienprisonniers@gmail.com
C’est la seule adresse utile puisque c’est l’adresse dédiée à l’activité de la campagne de parrainage ! L’utiliser permet d’alléger la tache de Lamia... Et d’être plus réactif ! Alors, pensez-y s’il vous plaît...
En bientôt 2 ans de campagne, nous sommes maintenant 2 623 parrains et marraines, dont environ 50 % sont des adhérents de l’AFPS.
Il y a aussi des parrains et marraines "spontanés", en Angleterre.
Début 2014, plus de 5 000 prisonniers palestiniens, sont incarcérés, dont 181 adolescents de moins de 18 ans, 14 membres du Conseil législatif (parlement palestinien) et 12 femmes. Alors, n’oubliez pas que l’on peut parler de notre engagement autour de nous.
Dans les bulletins, nous diffusons les traductions de lettres reçues directement par des parrains, mais également à l’AFPS.
Ces lettres sont un encouragement à persévérer. Elles nous permettent de savoir que nos envois sont souvent distribués et que quand ils arrivent, ils sont lus avec attention, circulent au sein de la prison, sont importants au moins en tant que traces de solidarité et très certainement une source de joie, là où il y en a peu."
Décembre 2014 - Le Parlement européen affirme son « soutien » à la reconnaissance d'un Etat palestinien, dans une résolution de compromis promue par les principaux partis de droite et de gauche, des démocrates-chrétiens aux communistes. Le texte a été adopté par 498 voix pour, 88 contre et 11 abstentions.
Avril 2015 - Journée de soutien aux prisonniers politiques le 15 avril.
Environ 7200 prisonniers politiques palestiniens sont détenus dont des enfants, des femmes, des personnes âgées et des personnes malades. Cinq fois plus de détenus administratifs palestiniens sans procès en 2015. (In AFPS avril 2015). Voir le lien :
http://www.france-palestine.org/Cinq-fois-plus-de-detenus-administratifs-palestiniens-sans-proces-en-2015
Mai 2016 - Au sujet de la Palestine voir sur le blog de l'avocat Gilles Devers(20/05/2016) :
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2016/05/20/palestine-la-france-organise-sa-prochaine-humiliation-928845.html
Mai 2016 - Au sujet de la Palestine voir sur le blog de l'avocat Gilles Devers(20/05/2016) :
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2016/05/20/palestine-la-france-organise-sa-prochaine-humiliation-928845.html
Août 2016 :-"Selon l’ONG israélienne B’Tselem, 6 295 Palestiniens sont actuellement détenus dans les prisons israéliennes. Un record depuis 2009." (in AFPS août 2016). Voir le lien :
http://www.france-palestine.org/A-Ramallah-une-manifestation-de-soutien-a-Bilal-Kayed-en-greve-de-la-faim
Novembre 2017 - Pour le peuple palestinien, la dépossession continue 100 ans après Balfour
Le 2 novembre 1917, dans une lettre adressée à M. Lionel Walter Rothschild, représentant du Mouvement sioniste international, M. Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, déclare : « Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif ».
Cinq ans plus tard, la Société des Nations mettait en place le système de « mandats » sur les pays du Moyen-Orient issus du démembrement de l’Empire ottoman. La résolution du 24 juillet 1922 de la SDN donnant mandat aux Britanniques sur la Palestine reprenait intégralement le texte de la déclaration Balfour excluant, contrairement aux autres mandats, tout projet d’émancipation nationale et de création d’un État indépendant pour les Palestiniens. Ainsi se mettait en œuvre, sous protection britannique, le début du processus de dépossession des Palestiniens par le mouvement sioniste.
Ce processus se poursuit depuis 100 ans. Il trouve encore son prolongement dans le développement exponentiel de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que dans le projet de loi récemment adopté par le parlement israélien qui ferait d’Israël un État-Nation juif, officialisant ainsi la politique d’apartheid mise en place au détriment de ses citoyens palestiniens.
L’ensemble des puissances occidentales, en reprenant à leur compte la déclaration Balfour, portent une responsabilité écrasante dans la dépossession dont a été victime le peuple palestinien. Après 100 ans d’injustice, la paix ne pourra venir que par la reconnaissance par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à édifier un État sur l’ensemble du territoire occupé par Israël en 1967 y compris Jérusalem-Est, à la liberté de circulation de tous les Palestiniens et au retour des réfugiés palestiniens.
Aussi, face à un État qui ne respecte ni le droit international ni les multiples résolutions de l’ONU, il est temps que la France et les Etats membres de l’Union Européenne s’engagent concrètement pour que soient reconnus les droits fondamentaux de tous les Palestiniens, quels que soient leur statut et leur situation. Il faut que des sanctions viennent mettre fin aux nombreuses violations du droit international par Israël. Il faut aussi reconnaitre dès maintenant l’État de Palestine avant que toute perspective d’autodétermination du peuple palestinien ne soit rendue impossible par la politique permanente du fait accompli pratiquée par l’État d’Israël.
Le 2 novembre 2017
Le Bureau national de l’AFPS
http://www.france-palestine.org/La-Declaration-Balfour
http://www.france-palestine.org/Le-Mandat-britannique-24-juillet
--
*Pour participer à
l’opération parrainage, il suffit de
- s’inscrire sur le site de l’AFPS
- ou écrire à l’AFPS : 21 ter rue Voltaire – 75011 PARIS
- ou écrire à Soutien Prisonniers soutienprisonniers@gmail.com
http://www.france-palestine.org/Parrainer-un-e-prisonnier-e
- s’inscrire sur le site de l’AFPS
- ou écrire à l’AFPS : 21 ter rue Voltaire – 75011 PARIS
- ou écrire à Soutien Prisonniers soutienprisonniers@gmail.com
http://www.france-palestine.org/Parrainer-un-e-prisonnier-e
Perte du territoire palestinien de 1947 à nos jours |
Quelques vidéos de Guy Ferdinande sur les manifestations en soutien à Gaza bombardée cet été 2014 :
https://www.youtube.com/channel/UCrHZB0DOQrN-145eGqC3axQ
https://www.youtube.com/user/MerryCommunistParty/videos
(Sous le nom d'Efendy Durgany : mêmes manifestations mais autres vidéos)
*
à lire sur le site de l'UJFP
(Union Juive Française pour la Paix)
http://www.ujfp.org/
Israël contre les Juifs
jeudi 19 février 2015
par
*
Palestinian mother and child (vitrail) |
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