Correspondance : Guy Ferdinande, 50 Lettres à Ibrahim Abbasi (août 2012 - septembre 2016)

Lettres à Ibrahim Abbasi, prisonnier politique palestinien


Ces courriers mensuels restent sans réponse. Rien ne dit qu'ils parviennent à leur destinataire détenu dans une prison israélienne depuis 1998, ni si celui-ci comprend la langue anglaise ou s'il existe dans sa cellule un prisonnier qui puisse la traduire. Reste l'espoir.

Lettre n° 1
8 août 2012

Cher Ibrahim
 Présentons-nous brièvement.
Ma femme qui s’appelle Danièle (Dan) et moi qui m’appelle Guy allons devenir vos lointains « correspondants » – très lointains, un peu comme on jette une bouteille à la mer – pour les temps à venir. Nous nous sommes mis à deux pour vous écrire car je ne parle que le français, tandis que Danièle est trilingue (français, italien et anglais), et si par bonheur cette lettre vous parvient et si vous lisez l’anglais alors notre démarche ne sera pas que symbolique.
Nous vivons à Lille, une ville cosmopolite de plus d’un million d’habitants, dans le Nord de la France, un bastion industriel où il pleut souvent. Dan et moi sommes nés en 1950, nous nous sommes mariés il y a quarante ans et sommes maintenant retraités. Auparavant Danièle et moi étions professeurs, Dan enseignait l’anglais et moi le français, mais l’essentiel de nos occupations s’est toujours attaché à la poésie, à la revue que nous éditons et aux activités multiples qui gravitent autour. Nous avons deux fils, Julien qui a 36 ans et Denis qui en a 34 : tous deux vivent aussi en poésie. Nous n’avons pas de petits-enfants.
Dan et moi sommes attachés à la cause du peuple palestinien depuis fort longtemps, et c’est un honneur pour nous d’établir cette « correspondance » par-delà les frontières, car la Palestine est universelle.
Nous vous saluons fraternellement et vous disons à très bientôt.

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Lettre n°2


13 septembre 2012 
Cher Ibrahim
  Quelques nouvelles de tout là-bas, dans le Nord de la France, afin d’entretenir notre « correspondance ».
Là-bas, comme partout en France, les sections régionales de l’Association France Palestine Solidarité sont très actives, également l’Union Juive Française pour la Paix, qui militent ardemment pour la cause, il faut bien dire universelle, du peuple palestinien. Je dis universelle car j’ai le fort sentiment que si par je ne sais quel incroyable coup de baguette magique cette sombre oppression était résolue, la plupart des grands conflits qui secouent la planète seraient immédiatement désamorcés.
Là je viens d’apprendre l’existence du groupe des Nouveaux historiens israéliens, cela atteste la voix d’une opposition croissante en Israël même à cette situation aujourd’hui plus que jamais intenable. À cet égard nous sommes en train de lire un certain nombre d’ouvrages écrits par des intellectuels juifs engagés, israéliens ou non, et nous avons trouvé que ces ouvrages constituent de vrais outils politiques.
Entre phénomène d’usure et coups de théâtre, l’histoire finit toujours par avoir le dernier mot : dans 10 000 ans il y aura toujours le peuple palestinien.
Nous pensons bien à vous.

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Lettre n° 3
14 octobre 2012
Cher Ibrahim




  J’espère que vous allez bien. La photo que vous voyez ici montre le panneau à l’entrée de la ville d’Auby, sur lequel la municipalité fait part de son soutien au combat du peuple palestinien. Il y est écrit : « Salah Amouri enfin libre. 4160 Palestiniens encore enfermés. On ne lâche rien. ».
En France aussi le combat est inégal car l’État israélien a ses entrées partout dans la classe politique, qu’elle soit de droite ou de « gauche », mais dans le peuple il en va différemment et une bonne partie se sent solidaire de la cause palestinienne qui par extension symbolique est une cause universelle : non pas le bien contre le mal, mais ceux qui ont les armes contre les désarmés, Israël apparaissant de l’avis général comme le 51ème état des Etats-Unis, plus généralement comme un avant-poste des intérêts de la finance internationale.
Mais c’est vrai qu’on ne lâche rien, le sentiment de fraternité qui nous lie à vous est indéfectible.
   Cher Ibrahim, ma femme et moi vous saluons de tout cœur et vous disons au mois prochain.
 
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Lettre n° 4
15 novembre 2012
Cher Ibrahim



  À nouveau nous tremblons avec cette nouvelle agression sur Gaza. Mercredi 14 nous avons manifesté dans le centre de Lille et dimanche 18 nous nous sommes à nouveau donné rendez-vous, dans le quartier de Wazemmes cette fois.
Je lis dans la presse que dans le monde entier des gens manifestent leur colère, que le peuple palestinien est dans toutes les pensées.
Ma profonde sympathie pour la cause palestinienne remonte à plus de quarante ans, j’étais jeune alors. Qu’est-ce qui a changé ? Nous sommes toujours au même point. Le droit international ne justifie toujours pas Israël, seulement ce surarmement infernal qui en est l’absolu déni. Il en aura fallu des dollars, et à l’autre bout de la chaîne des victimes, pour qu’une « nation » sans passé historique, sans ressources naturelles, pas beaucoup plus grand qu’un mouchoir de poche, entende ainsi humilier et terroriser l’autre ! Je viens à l’instant de voir ce documentaire relatif à L’Appel nocturne dans la prison de Ktziot qui circule sur internet et qui montre une répression brutale à l'intérieur de cette prison…
Les braves gens des deux bords s’entendront-ils un jour ? Connaîtront-ils au moins la paix ? Mais je crois qu’Israël a besoin d’être en guerre, la brutalité essentielle de son rapport au monde l’atteste.
Du côté de chez nous, les pays vont de plus en plus mal et ça se sent, les petites gens – toujours eux – s’appauvrissent. L’hiver ne va tarder à s’ensuivre, je sais que vous n’avez pas ce dont l’homme a besoin, j’espère que là où ils vous ont enfermé vous ne souffrez pas du froid  quand c’est l’hiver.


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Lettre n° 5
21 décembre 2012
 Cher Ibrahim




« Dieu prend toujours le parti du persécuté. Si un juste persécute un juste, Dieu se range du côté du persécuté. Si un méchant persécute un juste, Dieu se range du côté du persécuté. Si un méchant persécute un méchant, Dieu se range du côté du persécuté. Et même si un juste persécute un méchant, Dieu se range encore du côté du persécuté » (Middrach Rabba, Lévitique, 27).



   Après que Gaza ait à nouveau cruellement souffert, le ciel s’est subitement éclairci : victoire que la trêve qui, commente notre presse, laisse un goût amer à beaucoup d’Israéliens (mais non à tous, cf. la photographie au verso) ; victoire que l’accession de la Palestine en tant que pays observateur à l’ONU, et puis, cerise sur le gâteau l’inculpation et la démission du Sinistre des affaires étrangères Avigdor Lieberman.
Dernièrement, j’ai lu deux pages d’un livre d’Emmanuel Lévyne : Judaïsme contre Sionisme, paru aux éditions Cujas en 1969, qui m’ont interpelé et qui à mes yeux ont une portée également valable pour nous en France où la laïcité garante de la non-confusion des genres entre politique et non-politique (l’idéologique, le religieux, etc.), et partant de la paix, ne doit jamais relâcher sa vigilance.
Les signes avant-coureurs sont là, qui nous disent que le long et infernal bras de fer qu’oppose Israël au désir de paix du peuple palestinien, ne résistera pas au temps, j’en suis certain. Un jour peut-être pas si lointain, la pression tant intérieure qu’extérieure mettra un terme à l’inhumanité de politiciens que toute raison autre que guerrière égare depuis tant de temps et qui finira par s’avérer la pente la plus savonneuse qui soit. Ce jour aura des répercussions aux quatre coins du monde, je l’attends avec impatience.
   Cher Ibrahim, les choses changeront, c’est fatal, soyez courageux, votre force c’est la patience tandis qu’eux sont en train de s’affoler, surtout ne perdez pas l’espoir.
   Longue vie, santé et notre amitié de France.  

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Lettre n° 6
17 Janvier 2013
Cher Ibrahim 

   Comme chez nous la nouvelle année est une occasion de fête et de vœux, je vous souhaite tant que faire se peut, et Dan ma femme avec moi, une bonne et heureuse année, et puis surtout, c’est un point auquel nul n’échappe quel que soit l’endroit où il habite, cette chose si essentielle, surtout quand d’elle dépend la résistance aux affronts et aux rigueurs de l’iniquité : une bonne santé.
 Je vois qu’à Mitzpe Ramon il fait aujourd’hui une température de + 22 °, ici nous sommes sous la neige et il fait – 6 °, un temps à ne pas mettre un chien dehors, comme on dit. Par association d’idées, je suis allé voir où se situe Mitzpe Ramon : le désert du Neguev, la différence de température s’explique ! ainsi que l’histoire de l’implantation de cette ville à partir des années 50. Qui aurait pu s’imaginer qu’un jour on en viendrait à coloniser le désert ?
J’ai conscience que ce que je vous souhaite est inséparable des vœux que j’aimerais adresser au peuple palestinien : la bonne année et surtout la santé, la grande santé ! Soyez fort !
   Je vous embrasse fraternellement.



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Lettre n° 7
8 février 2013
Cher Ibrahim  

   Longtemps encore nous serons dans l’ignorance concernant la remise ou non des lettres que nous vous envoyons. Comme j’ai maintenant un très gros doute sur l’acceptabilité de celles précédemment envoyées, je vais davantage opter pour un ton plus passe-partout : il me semble que celui de la pluie et le beau temps est plus conforme à ce que l’administration pénitentiaire tolère. Là, je viens de fêter mon anniversaire (je suis votre aîné de onze ans), c’est une chose dont je ne parle jamais à personne parce que je n’éprouve pas le besoin de lui accorder la moindre importance — comme si le temps c’était le calendrier ! —, mais présentement ça me permet d’étoffer une lettre que l’excès de prudence expurge de toute inspiration, je m’en excuse. Si l’on excepte calendriers et montres, on ne sait pas trop ce qu’est le temps : la neige qui a fondu et le printemps qui ne va pas tarder montrer le bout de son nez, certes. J’espère qu’à travers les barreaux de là où vous êtes il vous est permis de percevoir un peu de ciel bleu, un peu de printemps, un peu de lointaine liberté. Nous ne perdons pas espoir que tout aille mieux un jour, n’est-ce pas !
   Ma femme et moi pensons bien à vous et vous embrassons fraternellement.


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 Lettre n° 8

8 mars 2013 
Cher Ibrahim

   L’État d’Israël fait de nouveau les gros titres de la presse internationale et des ONG israéliennes avec son instauration de lignes d’autocars reliant Israël à la Cisjordanie uniquement réservés aux Palestiniens, tandis qu’en France la venue de Shimon Peres provoque le tollé des organisations et associations progressistes. Nous savons qu’il y a également des grèves de la faim dans les prisons. Est-ce que le mouvement se déroule également dans la vôtre ? Voilà pour ce début mars, pour ne parler que de ça, mais ça fait déjà beaucoup, beaucoup trop.
Je m’étais promis de ne pas trop forcer sur des considérations susceptibles de déplaire à votre comité de lecture, comment savoir si même vous comprenez l’anglais ? et voilà que déjà je m’écarte de la pluie et du beau temps. Alors, revenons à la pluie ! C’est notre lot en ce moment, pluie et grisaille sur toute la France, et jusque dans les esprits. Il faudrait que le printemps fasse vite, un grand printemps planétaire, la condition la plus importante de ce printemps — la clef des clefs —, étant celle qu’ils ont confisquée.
Ah, si nous pouvions nous parler et nous répondre, vous et nous, nous en aurions des choses à nous dire ! Mais là, nous sommes comme entre aveugles et muet. Ça ne fait rien, si vous au moins pouvez percevoir le ciel, alors tout espoir n’est pas perdu.


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 Lettre n° 9

16 avril 2013
Cher Ibrahim
   D’un côté je ne peux pas prendre de vos nouvelles, de l’autre j’éprouve toujours de la difficulté à parler de mon petit chez moi. Beaucoup de mots sont toujours de trop. J’entends beaucoup parler de « décroissance », de « décroissance économique », autour de moi, et je crois qu’en effet il nous faudrait tempérer très sérieusement notre dépendance à l’inutile, et concernant le langage il me semble qu’il faudrait renverser cette inflation de mots sans importance dont on nous gave. Je vous dis cela, je parle pour moi, car je n’ignore pas qu’il est des cas, je pense à votre situation, où la parole est salutaire. C’est que s’il faut des mots pour construire la parole, réciproquement la parole n’est pas fonction des mots. En ce cas, ils sont comme un robinet qui fuit. À beaucoup d’égards, la musique nous dit ce qu’il faut aux mots pour qu’ils deviennent paroles. C’est ainsi que l’on peut dire de la musique qu’elle nous parle. Le tout petit enfant qui entend sa mère lui parler ne sait pas ce qu’elle lui dit, mais il comprend à la musique de sa voix qu’elle l’aime. Au contraire, la parole stérile est soporifique et son incorrigible gourmandise nécessiterait de faire régime. Il faut vous dire que dans notre pays, les poubelles sont remplies de nourriture que l’on a jetée en ayant bien pris soin de la refuser par hygiène aux nécessiteux. Dans notre pays, l’abondance se remarque aux poubelles. Elle est une affaire de poubelles. Et, les mots qui n’ont servi à rien s’y trouvent à profusion. En ce sens je pense bien à vous, — musicalement. Si vous tendez l’oreille, vous percevrez mes bonnes pensées vous parvenir par la voie de la musique que vous aimez à vous rappeler.


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Lettre n° 10

13 mai 2013

Cher Ibrahim,
   C’est la dixième lettre de notre « correspondance » et d’une certaine façon nous pouvons nous dire amis maintenant, même si nos voix n’ont aucune chance de se croiser jamais, mais la résistance à l’iniquité reste notre compréhension infuse, n’est-ce pas ! La traditionnelle manifestation du 1er mai, cf. la photo, eut lieu sous un soleil magnifique, mais les rangs étaient plus clairsemés que jamais. La France est un pays en piètre santé, qui maigrit à vue d’œil : officiellement l’économie de notre pays (banques, industrie, commerce, etc.) est en crise, mais ce mot de crise est davantage fait pour laminer les esprits que pour trouver des alternatives, officieusement cette « crise » révèle de réels soucis tant matériels que psychologiques. Les régimes sont comme les êtres vivants : ils croissent et décroissent. Là il est clair que nous ne sommes plus dans la force de l’âge, les gens sont las, ont de plus en plus tendance à ravaler l’usage de leur liberté. Ce n’est pas qu’ils n’ont plus de forces au fond d’eux-mêmes, mais un sentiment de fatalité leur enlève les mots de la bouche, et le 1er mai du calendrier. Au contraire, je vous espère fort au physique comme au moral.


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Lettre n° 11
16 juin 2013
Cher Ibrahim,
   Nous sommes dimanche matin. Tout est très silencieux. Pas la moindre petite messe pour mettre en branle les cloches de l’église, pas la moindre petite victoire militaire du temps passé pour rappeler aux joueurs de clairon qu’ils sont attendus devant la mairie pour jouer l’hymne national… En Iran, Hassan Rohani a été élu président de la république (si au moins son mandat pouvait aller dans le sens d’un peu de sérénité dans la région). Nous avons découvert des musiciens palestiniens tout à fait formidables : le Trio Khoury et le Trio Joubran. J’aimerais avoir le plaisir de vous les faire entendre.
   Nous sommes maintenant lundi matin, il fait encore nuit, je pense bien à vous. Je voudrais tant que vous recouvriez enfin la liberté, d’abord pour vous, ensuite pour nous, pour le monde entier.

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Lettre n° 12
16 juillet 2013
Cher Ibrahim,
   J’espère que pour vous tout va pour le mieux, en votre for intérieur s’entend, car pour ce qui concerne les conditions de détention, la brutalité de cette nation de geôliers ne permet de s’illusionner ni sur sa commisération ni sur son altruisme.
 Nous sommes allés voir le Trio Joubran dont je vous ai parlé la dernière fois. Le concert se passait dans la cale pleine à craquer d’un cargo allemand. Je pense que par l’entremise de ce formidable trio, ceux qui en France n’avaient entendu parler de la Palestine que d’une oreille inattentive ont acquis un peu de cette matière qu’on appelle la réalité. La musique n’est par un moindre porte-parole, vous savez ! Samir Joubran a souhaité que ce cargo nous emmène un jour à Gaza.
 Avec le mois de juillet, le climat a repris un peu de douceur. Il était temps, car selon la presse américaine qui s’en amuse beaucoup, la France est de tous les pays le plus morose. C’est un fait qu’ici les gens n’ont guère le moral : criant manque d’argent pour de plus en plus de gens et sourde conscience d’un monde dont les dés sont pipés. Probable que le jour où ces dés pipés auront été jetés à la mer, c’est que nous serons sur un cargo en route pour Gaza.


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Lettre n° 13

16 août 2013

Cher Ibrahim,

   Je n’ai pas trop de mots apaisés pour ce courrier-ci. Le monde continue de s’embraser, maintenant c’est au tour de l’Égypte, et tout ce malheur me laisse sans voix. Comment de telles horreurs sont-elles possibles ? Pauvre Proche-Orient ! Nous sommes au XXIème siècle et le vivre ensemble semble de plus en plus souvent une utopie, même si nous n’avons pas le choix. Pourtant, à cette obligation souveraine il en est qui objectent un choix : celui de la haine de l’autre. Dans ces conditions, à quoi peuvent bien servir les mots nation, patrie ? Ici, nos politiciens parlent toujours de rassembler les Français, mais ils ne rappellent jamais les noms des valeurs fédératrices inscrites au fronton de notre pays : liberté, égalité et fraternité. Mettre dans le même projet, sans débat préalable, sans compromis équitable pour les plus faibles, un crève-la-faim et un spéculateur est une chimère que bien peu désirent surmonter. Beaucoup d’hommes disent croire en Dieu, mais en dernière instance aucune croyance ne devance le dernier mot des armes.  À l’encontre de la puissance créatrice qu’on porte en soi, c’est toujours le pouvoir sur les autres conféré par les armes qui l’emporte. Statistiquement, les hommes croient avant toute chose dans les armes, et corrélativement dans l’argent son alter ego. Les armes permettent de s’octroyer le pouvoir, et le pouvoir permet de s’enrichir. Voilà la triste leçon, tandis que les femmes pleurent et que les orphelins, las de prier, s’en vont errant de par le monde hostile...


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Lettre n° 14

19 septembre 2013

Cher Ibrahim,

   Septembre, j’allais dire « déjà » — septembre déjà —, mais je ne jurerais pas que le temps qui est le vôtre, sans liberté, sans soleil, emprisonné de la plus révoltante des façons qui soient, et le temps qui est le nôtre, si différent, permettent d’échanger un même « déjà ». J’aimerais tant vous savoir, vous et tous nos frères de Palestine, enfin délivrés de la triste et inique condition qui vous est faite.
Septembre est selon moi le mois des états d’âme : je nous vois buvant un thé ensemble à la terrasse d’un estaminet, le temps perdu nous pressant de parler de ce qui nous reste pour imaginer et reconstruire tout ce qui a été nié et effacé. Je ne sais même pas si vous avez femme et enfants...
En quel septembre, la vie nous accordera-t-elle de nous rencontrer, de nous connaître et d’échanger un même « déjà » ? L’inéluctable n’est pas éternel, et l’espoir a la capacité d’être si solide, souvent. Je puis vous assurer que la Palestine est chère au cœur de beaucoup, ici, en France, beaucoup qui quotidiennement vous adressent leurs pensées.
   Gardez courage, un jour la vapeur se renversera !


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Lettre n° 15
18 octobre 2013
Cher Ibrahim,
     Trois heures du matin, je me dis que notre « correspondance » est à certains égards l’illustration de ce que fait l’écrivain qui écrit sans perspective de réponse. Encore que l’écrivain qui ne s’adresse pas à une personne vivante a la possibilité d’imaginer une réponse, de simuler un dialogue, d’échafauder un échange, bref de bâtir une histoire, chose que dans mon cas je ne puis faire. Je ne peux pas substituer un visage imaginé à votre propre visage, pas plus que je ne puis remplacer votre langue par le français. Je ne sais pas comment (se) passent vos journées, à combien vous êtes dans votre cellule, ni non plus la promiscuité, l’exiguïté, la vétusté (pire sans doute !), le manque d’air, le manque de lumière, la solitude. Si, bien sûr, je m’imagine, mais jamais à quel point la réalité échappe à que ce que j’imagine.
De plus en plus de musique palestinienne nous parvient : Kamilya Jubran, le Trio Khoury, le Trio Joubran que nous avons pu voir en début de semaine dans un théâtre plein à craquer pour la seconde fois. Je pense que la musique a ce pouvoir de rendre palpable ce qui pour certains peut encore relever d’une abstraction lointaine. Quel paradoxe ! il n’est rien de plus immatériel que la musique et pourtant c’est elle qui dans nos pays donnent une voix, des voix, et de merveilleux artistes qui en évoquent plus que de longs discours. Si tant de choses échappent à ce qu’on ne peut que s’imaginer de façon intuitive, ce qui fait souvent dire : « tu ne t’imagines pas à quel point », au moins par leur entremise la Palestine acquiert-elle une présence physique et l’imagination une pierre angulaire, ce point.

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Lettre n° 16
26 novembre 2013
Cher Ibrahim
   J’ai dû vous dire précédemment à propos du Trio Joubran, trio palestinien de ouds, que la musique était un grand ambassadeur, à certains égards un bien meilleur ambassadeur que la plupart des politiciens pour cette raison que la musique n’a pas de relâche, qu’elle officie dans la durée et que sa signification générale — son « message » —, peut être librement entendue, comprise, qu’elle transcende les interprétations. Cela me semble des plus patents dans le cas de la musique persane qui depuis des décennies émane d’Iran mais également, via la diaspora, des États-Unis, du Canada, d’Allemagne, d’Ukraine, de France, etc., ce qui produit un formidable effet de familiarité auprès des oreilles du monde entier. À travers la reconnaissance de la beauté qui est universelle, le sentiment de paix est naturellement chez lui, et ces ennemis que les pouvoirs voudraient nous faire accroire sont dans leur très grande majorité des gens comme tout le monde, désireux d’échanger, soucieux de vivre en bon voisinage. Ceci pour vous dire que la sympathie que les peuples du monde éprouvent pour la cause palestinienne est grandissante. Si, paradoxalement, le chemin du Droit n’est pas droit, il n’en est pas moins le chemin commun qui nous mène. Un jour, le sur-place des brutes dans la pataugeoire de l’histoire aura disparu de notre champ de vision.
   L’hiver ne va pas tarder à se préciser : 5° chez nous contre 19° à Jérusalem et 14 à Aqaba. Je vous souhaite de vous porter le mieux possible.

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Lettre n° 17
19 décembre 2013
Cher Ibrahim,
   Ici en France, l’année se termine. C’est ainsi : en Occident on découpe le temps comme ci, en Orient comme ça, mais dans le fond tout le monde sait fort bien que le temps ni ne commence ni ne finit. Il en va de même pour la Terre, elle ne commence nulle part et ne finit nulle part, quoique les hommes se soient toujours bien en vain affairés à la borner avec des débuts et des fins. Peu de choses échappent à ce marquage : la musique, l’amour... La musique et l’amour sont comme la Terre, comme le temps ou comme la lumière, quand on les enclot dans des frontières, ils passent par dessous. Comme dans toutes les cultures, la fin de l’année qui n’est jamais que le début de l’année — l’autre année — est prétexte aux réjouissances et aux retrouvailles, malheureusement ce qui devrait être fête n’aboutit plus qu’à la célébration de la consommation et ce que fêtent ces saturnales c’est d’abord le vomi d’argent qui ne réjouit que ceux qui en ont. La fête, tout comme le voyage, si elle n’est pas d’abord une disposition intérieure, ne mérite pas son nom. Nos fêtes à nous se passent à bonne distance des fastes du centre de la ville, par exemple maintenant tandis que je vous écris.
   Cher Ibrahim, qu’il me soit permis avec cette brève lettre de vous souhaiter un peu de fête à vous aussi.

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Lettre n° 18

19 janvier 2014
Cher Ibrahim,
   J’ai eu des difficultés à présenter mes vœux cette année : « j’espère que ci... », « j’espère que ça... ». Nous espérons tous la même chose au fond, il n’y a pas besoin du Nouvel An pour en faire part à la cantonade de façon si routinière : paix, harmonie, justice, santé, gîte, couvert... cela fait des millénaires que l’espèce humaine attend cela de l’existence. Oui, mais voilà, tout fruit a toujours un ver. C’est d’ailleurs plutôt bon signe pour le fruit que le ver l’élise, quand tel n’est pas le cas c’est que le fruit est de synthèse ainsi qu’en crée maintenant l’industrie agroalimentaire américaine. Si le ver n’était qu’un vérificateur de l’authenticité du fruit, un ver bien dressé, alors oui je souhaiterais une bonne et heureuse année à qui veut m’entendre. Mais tel n’est pas le cas : entre le ver qui s’emploie à ce qu’il ne reste plus rien du fruit sain et le fruit cancérigène de l’agroalimentaire américain (vendu avec le médicament qui soigne ce cancer, il est vrai), nous voilà comme pris en sandwich.
   Je souhaiterais souhaiter de bonnes et heureuses choses à presque toute l’humanité, seulement peut-on souhaiter quoi que ce soit sans qu’au préalable on ait pu souhaiter souhaiter ? Quand on ne peut pas, on appelle ces vœux « vœux pieux », c’est-à-dire des vœux pour la forme, des vœux qui « comptent pour du beurre » comme disent les enfants, et les vœux de bonne et heureuse année sont des vœux pieux. Sans rire, je me remettrai à souhaiter de douces choses à qui veut m’entendre le jour où vous sortirez de prison, le jour où le peuple palestinien commencera à entrevoir le bout de sa si douloureuse condition d’existence. Seulement, ce qui me désespère est inclus dans ce que j’espère, et ce n’est que dans cette mesure que je puis continuer d’espérer.
   Pour 2014, je vous souhaite de faire mieux que moi avec mes paradoxes de vieux nigaud.

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Lettre n° 19

26 février 2014
Cher Ibrahim,

   Février a passé très vite. Quand je pense à vous, je me dis que le temps, dans votre cellule doit au contraire être très long. Peut-être que la liberté c’est du temps qui passe vite... Pour moi, la cellule est une chose abstraite. J’ai vu des photos de cellules de prisons françaises, sordides, infâmes. Mais ce sont d’inodores photos. Les photos qui sont immatérielles nous renseignent sur les choses qui ne sont pas abstraites, et c’est ainsi que nous connaissons, par procuration. Presque toujours la connaissance est une chose rapportée. Vous, vous ne pourrez même jamais me dire le climat de violence de la prison, l’exiguïté de la cellule, le nombre de prisonniers qui la partagent avec vous, si l’on y crève de chaleur l’été, si l’on y gèle l’hiver, ni ses conditions d’hygiène, ni si ce qu’on vous donne à manger est mangeable, ni si vous avez droit à la promenade et le temps qu’elle dure, etc. Je ne sais rien. Je ne peux que transposer à partir de photos de prisons françaises dignes des geôles ignobles de temps qu’on prétend révolus.
    Ne désespérez de rien. C’est toujours la vie qui a le dernier mot.

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Lettre n° 20


17 mars 2013


   Guy a acheté cette carte postale pour vous montrer où nous vivons, près de Lille. C'est une grande ville dans le nord de la France. Je me demande si vous avez une femme et des enfants. On nous a dit que vous sortirez de prison en 2016. De 1998  à 2016, cela fera 18 années de prison. C'est si long ! Comme nous savons que vous êtes né en 1961, vous aurez 55 ans quand vous serez libéré. Si vous avez des enfants ils doivent avoir dans les 30 ans. Est-ce que vous avez un fils, une fille ? Que font-ils ? Et quel est le nom de votre épouse si vous en avez une ? Toutes questions sans réponses...
   Mais nous nous sentons près de vous quand nous vous écrivons et nous espérons que vous ressentez notre amitié et notre compassion.

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Lettre n° 21
18 avril 2014



   Comme la mer est froide entre la France et l'Angleterre, il y a des phoques qui se rassemblent près de cette plage, ces gros animaux que vous voyez sur la gauche. J'espère seulement que vous puissiez très vite revoir la Méditerranée, quand vous sortirez de prison, vous tous si injustement emprisonnés.

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Lettre n° 22


22 mai 2014


...Je me demande si on vous autorise à avoir des visites et si vous avez pu voir quelqu'un de votre famille pendant toutes ces années d'emprisonnement...



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Lettre n° 23



24 juin 2014


   En réunion, les parrains et marraines des prisonniers politiques palestiniens manifestent ces deux cas de conscience : 1) que dire ? (ça c’est l’affaire de l’impossible interlocution qui finit par en inhiber certains) et 2) que ne pas dire ? (ça c’est affaire de jugeote) ; pour autant que le but soit que nos lettres parviennent, faut-il que la parole vraie cède le pas au vain bavardage ? « À Dieu va ! », n’est-ce pas... Pour nous, nous en sommes au 23ème courrier, vous seul saurez jamais combien ne vous sont pas parvenus.
En France ainsi que partout dans le monde de nombreuses associations se mobilisent actuellement pour soutenir votre grève de la faim en interpellant la classe politique et en faisant circuler de nombreuses pétitions. Grève de la faim à quoi s’ajoutent ces morts, — et comme toujours jusqu’aux enfants-mêmes. Combien en faudra-t-il encore avant que le suicide de cet État soit consommé ?
   Je tiens à vous dire que quand je vous écris c’est aussi à la Palestine que j’écris, en premier lieu à vos frères de détention qui sont aussi nos frères. Salut à tous, et courage !


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Lettre n° 24
30 juillet 2014



   Nous comptions mettre une goutte de bonne humeur dans notre « correspondance » avec une carte postale pittoresque rapportée d’Arles où nous sommes allés écouter votre compatriote le chanteur Tamer Abu Ghazaleh, mais nous nous rétractons : impossible de sourire, nous la remplaçons par cette image plus neutre d’un bord de mer comme il s’en trouve n’importe où, qu’au moins l’immensité nous console des turpitudes de ce monde à nouveau plongé dans la douleur et l’abjection.
Juillet a été marqué par un très grand nombre de manifestations de par le monde, en particulier en France où la colère a été décuplée par les propos intolérables du président de la République et de son gouvernement, tout le monde criant : « Nous sommes tous des Palestiniens ! ». Partout ce sont des millions de personnes qui, dos aux propagandes fielleuses, compatissent avec la Palestine au rythme désespéré d’un seul et même cœur.


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Lettre n° 25

15 août 2014

Cher Ibrahim,

   Que des hommes puissent devenir non-hommes, cela n’existe pas. Aucune mutation génétique ne le permet. On peut les bricoler, les rafistoler, les compléter, les modifier mais permettre qu’ils deviennent non-hommes, cela n’est pas possible. Nous sommes tous solidaires de/dans cet être premier qui nous est une condition, les pires individus comme les meilleurs, le principe de vie n’étant pas tenu de donner dans le détail. Moi, j’ai le grand regret de ne pouvoir devenir non-homme tant la représentation que nous avons de nous-mêmes est si souvent honteuse. Une honte dont personne ne rougit plus. Partir très loin, chantent sûrement certaines chansons, mais il ne s’agit pas de cela. Je préfèrerais la perfection des bêtes qui, si elles souffrent elles aussi de notre cruauté au moins ne savent rien des sordides raisons qui l’animent, des vains et sinistres blablablas qui donnent langues aux hommes.
   J’aimerais être comme notre chatte qui, ne distinguant pas entre hommes et chats, se figure que tout est chat. Quand elle attrape une souris – souris qui est elle aussi une extension du type chat –, peut sembler cruelle, mais sa partie de plaisir programmée pour attraper tout ce qui passe à côté de sa patte n’est que cruauté du point de vue de l’enseignement que nous tirons de nos propres crimes. Sans eux le mot cruauté disparaîtrait des dictionnaires et sans doute alors pourrais-je être le chat qu’elle croit, rêvassant mollement à un monde sans tumulte dans l’herbe haute. Autrement, la France coupée en deux ploie sous les vents contraires en ce moment : d’une part ceux qui sont partis en vacances, d’autre part ceux qui sont suspendus à ce qui se passe à Gaza qu’agace le sentiment d’un curieux silence.
   Dan et moi pensons toujours bien à vous et à vos compagnons d’infortune que nous vous prions de saluer de notre part.

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Lettre n° 26

6 septembre 2014


   Qu’adviendra-t-il de cette énième « trêve » ? Jusque quand sera-t-elle maintenue en l’état ? La Palestine n’a besoin de paix que dans la mesure où la paix peut s’appuyer en toute confiance sur l’autorité incontestée du droit. Mais au point de non-retour où nous en sommes qui peut être dupe ? Durant les mois de juillet et août, la France a connu des centaines de manifestations de soutien au peuple palestinien, à aucun moment la mobilisation n’a fléchi. Nous ne désespérons pas d’un rapport de force qui finisse par renverser la vapeur, nous ne le pouvons pas, n’est-ce pas ! Nous pensons toujours à vous et à vos compagnons.    
   Dites-leur bien que nous sommes frères et que nous vous aimons.

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Lettre n° 27

23 octobre 2014



    Nous voilà déjà fin octobre... temps qui passe, qui passe, qui passe... Aujourd’hui j’ai reçu un disque d’un chanteur et joueur de oud du Néguev : Muhammad Abu Ajaj. Ce disque s’intitule Kseife,du nom d’un village voisin de Fourah, autre village. J’ai cherché un bon petit moment durant sur l’internet où se trouvent Kseife et Fourah, dans le Néguev, mais je n’ai rien trouvé et je me dis qu’il est d’autant plus possible que ces villages aient été rayés de la carte que les bédouins ont de très très gros soucis d’expropriation en ce moment. Vous voyez, quand je dis que la musique excède la musique, qu’elle est un grand intercesseur en faveur des justes causes ! 
   J’espère que vous allez bien ainsi que vos compagnons d’infortune que je salue fraternellement.
   Mes meilleures pensées vous accompagnent.


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Lettre n° 28

7 novembre 2014



   On peut s’imaginer un instant que ce qu’aurait souhaité Israël c’est maintenir dans l’« opinion publique » internationale un principe d’incertitude (doute, soupçon, confusion, etc.) entre responsabilités imputables à Israël et responsabilités imputables à la Palestine, à défaut de ralliement d’une majorité de ladite opinion ; après tout tant que la répartition en termes de fifty-fifty si largement relayée par les médias occidentaux faisait son œuvre, tant que l’«opinion publique» apparaissait comme indécise, c’était toujours ça de gagné, l’agression pouvait se poursuivre en toute impunité. Mais c’était compter sans le fait qu’aucun équilibre n’est jamais définitif et qu’une logique toujours tend à ce que le fléau de la balance finisse par pencher d’un côté. Ce qui clarifie l’« opinion » et la transforme aujourd’hui en conscience c’est que la nature fondamentalement guerrière d’Israël finit par prendre le pas avec une brutalité qui va crescendo sur le jeu de rôle qui lui tenait lieu de mise. La brutalité foncière tombe le masque, quitte à en être suicidaire : la peau de l’agneau dont se vêtaient les tenants de la solution finale n’est plus. La peau du loup est bien la leur. De son côté, la pression citoyenne sur nos États occidentaux est de plus en plus forte : il faut que ça cesse ! entend-on de toute part. Et ce d’autant plus que la condition de nos cités, de nos quartiers, de notre pays même, est coextensive à la condition palestinienne, comme l’a si maladroitement dénié notre président.
   Recevez cher Ibrahim, ainsi que vos compagnons, nos pensées les plus fraternelles.



Lettre n° 29
12 décembre 2014


    Je m’interroge sur bien des choses, vous savez. Cette nuit, après le meurtre du ministre palestinien Ziad Abou Ein par des soldats israeliens lors d'une manifestation pacifique, ce sur quoi je m’interroge ce n’est pas sur la duplicité puisque comme à l’ordinaire duplicité il va y avoir quand nos bons hommes politiques, nos courageux éditorialistes, nos loyales télévisions, nos fidèles journaux, vont une fois de plus s’évertuer à ce que nous comprenions que oui  ! bon  ! bien sûr  !... mais que cela ne peut rien changer à la nature des relations de la France avec sa proche parente israélienne, ce sur quoi je m’interroge c’est sur l’origine de la duplicité. Je ne me méprends pas, son origine bien sûr c’est son histoire. Mais que nous apprend cette histoire  ? Qu’il n’y a pas d’un côté le bien, de l’autre le mal. Qu’il n’y a pas d’un côté la liberté, de l’autre l’assujettissement. Qu’il n’y a pas d’un côté le droit, de l’autre l’arbitraire. Qu’il n’y a pas d’un côté la démocratie, de l’autre le fascisme. Le bien est comme le ver du fruit dans le mal et réciproquement  ; la liberté est comme le ver du fruit dans l’assujettissement et vice versa  ; la démocratie est comme le ver du fruit dans le fascisme et le fascisme comme le ver du fruit dans la démocratie. Je ne dis pas que tout vaut indifféremment tout, seulement qu’un principe organise ce principe de balancier. Ce principe on ne le méconnaît pas, c’est le profit et c’est le pouvoir qu’il procure, et jusqu’au pouvoir de disculper ses forfaits sans être contredit, puisque tout s’achète. Et si tout s’achète, réciproquement tout se vend. Je me souviens de notre ministre Jospin, socialiste, expliquant que si la France ne vendait pas d’armes c’est à d’autres pays que les clients s’adresseraient. Imparable, n’est-ce pas  ! Partant de là, et à force de persuasion, qui serait surpris que l’infamie soit blanche comme neige  ? Je m’interroge  : que serait devenue l’Europe au bout de soixante-dix ans si l’Allemagne nazie n’avait été vaincue  ? L’un dans l’autre, ne serait-elle pas comme elle est aujourd’hui  ? Maîtres et chiens de garde ne seraient-ils pas issus d’une rationalité en tout point semblable ? Le masque démocratique dont Israël se prévalait aux yeux du monde avec son doucereux messianisme tombe, certes, mais que c’est cher payer pour les damnés de la terre palestinienne  !
   Nos meilleurs sentiments vous accompagnent.

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Lettre n° 30


15 janvier 2015


   Est-ce que c’est parce qu’intimement on se dit que les conditions ne sont pas remplies qu’on souhaite à nos semblables une bonne et heureuse année ? Si elles étaient remplies il n’y aurait pas grand-chose à souhaiter. Or il y a tant de choses désirables. Misère de misère ! Chez nous, en France, de sordides attentats viennent de rappeler, voire d’apprendre à ceux qui n’étaient pas au courant, que le monde est en guerre, en guerre contre le monde, et que la planète est en train de flamber. Pour la plupart des êtres humains vivre est une chose profondément empreinte d’une infinie tristesse.
   Mes pensées vont vers vous, ami lointain, et vers vos frères de captivité.

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Lettre n° 31


23 février 2015



 
Il y a quelque temps, lors d’une réunion entre amis de la Palestine, marraines et parrains des prisonniers politiques palestiniens ont évoqué leur difficulté de trouver mensuellement matière à échanger, puisque écrire c’est échanger. Dans quelque sens unique qu’il se donne — parole émise/absence de réponse, libre condition/condition prisonnière, temps qui passe trop vite/temps qui ne passe pas, etc. —, l’échange n’échange que l’apparence de hiatus dont il procède. Je dis apparence car il s’agit davantage d’assurer nos correspondants que dans le monde, en France particulièrement, on ne les oublie pas, que le filigrane est à son ouvrage de tisserand, et puis de notre côté les nouvelles de Palestine ne nous font pas défaut dont celle, nous apprend l’agence Maan de la neige venant de recouvrir de son manteau blanc la ville de Jérusalem.
Nous pensons bien à vous ainsi qu’à vos compagnons.

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Lettre n° 32


7 mars 2015



Tout à coup ce soupçon me revient : et si les trente-et-unes lettres que nous vous avons envoyées jusqu’ici ne vous avaient jamais été remises... Je sais que la chose n’est pas improbable, que vous ne savez peut-être pas qu’en France non seulement nous pensons à vous mais qu’aussi nous nous adressons à vous. Qu’à cela ne tienne, dans le doute je vais continuer à vous parler !
J’ai vu dernièrement plusieurs vidéos sur l’enseignement de la musique prodigué à de jeunes Palestiniens : entre les ruines ou les check-points, à travers un nombre invraisemblable d’obstacles et au prix d’un entêtement qui force l’admiration, de très jeunes gens apprennent le violon, le ney, le qanun, la derbouka, le chant, ils parviennent même à se produire sur scène et à être chaudement ovationnés.
C’est une chose dont je suis sûr : la musique et sa sœur jumelle la poésie constitueront un jour le point vélique du long et fastidieux cheminement de l’humanité. Je ne sais pas dans quel état sera notre planète à ce moment-là, possible que la terre ne soit plus qu’une extension de Gaza à perte de vue, mais ce que je sais c’est nous aboutirons à ça : un chant, une plainte, avec tout ce que peut ultimement receler d’allégresse meurtrie la plainte : « Mon Dieu, quelle pitoyable aventure ! Tout cela a été tellement insensé ! Si au moins il y avait une marche arrière... ».
Mais non, s’il y avait une marche arrière, tout recommencerait comme avant ! Mon livre de chevet a pour titre Quand la misère chasse la pauvreté, écrit par un monsieur qui s’appelle Majid Rahnema. Livre admirable. Eh bien mon rêve, voyez-vous, c’est qu’un jour la pauvreté revienne, revienne pour chasser la misère. S’il faut attendre quelque chose de la vie, c’est ça : qu’elle nous rende la pauvreté.
Cher Ibrahim je vous embrasse ainsi que vos compagnons d’infortune.

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Lettre n° 33


15 avril 2015



  
Nous sommes au printemps. Il n’y a pas un pays au monde où cette saison n’est associée au renouveau, mais l’hiver n’est pas le creux de vague que l’on se plaît à dire : dès décembre les bourgeons sont en place, dès janvier les feuilles poussent. La nature n’arrête jamais son ouvrage de vie ; néanmoins c’est un fait qu’avec la vue des fleurs qui éclosent et la tiédeur de l’air, la tonicité se ravive et une lointaine félicité semble frapper au carreau. Si cela ne m’apparaissait comme étant ostentatoire, j’aimerais vous parler de choses heureuses qui viennent avec le printemps mais la présomption que ces choses heureuses ne se cognent à la grisaille de l’enfermement m’en retient. Bien entendu, ce n’est pas une raison pour qu’entre nous les choses affligeantes soient mon seul sujet de conversation. Du temps où j’étais enseignant, j’ai une fois remplacé un professeur de Lettres — aveugle — qui était mort de peur tant ses élèves conspuaient son enseignement. Plus tard, j’eus l’occasion de croiser une jeune femme qui avait été son élève et qui me rapporta à ce sujet que la classe, selon elle, jugeait intolérable qu’un professeur aveugle leur parlât... de peinture. Ces élèves n’admettaient pas qu’un aveugle puisse à force d’études et de patiente reconstitution partager le monde de peinture qu’il s’était donné ; à leur façon ils le renvoyaient à la cécité sa prison. Voyez comme c’est bête, moi je vous dis que je ne puis vous parler de choses heureuses, que ce serait comme faire étalage de richesses devant quelqu’un qui en est privé, et vous si, comme ce professeur de Lettres, avez au fond de vous des choses heureuses dont vous auriez plaisir à me parler, vous ne le pouvez pas non plus. Nous sommes vous et moi de part et d’autre de ces signes sans voix que sont pour toute passerelle mes courriers. Qu’à cela ne tienne, continuons le combat !



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Lettre n° 34

15 mai 2015




Toujours pareil, et malheureusement je me répète : entre raser le sol des désespérantes actualités ou prendre le ton badin de celui qui ne sait pas comment changer de sujet, pour quel ton opter ? L'exercice est sans réponse, aussi je propose que vous et moi, assis sur un banc à l'ombre d'un platane nous prenions le thé et devisions un peu. La musique est un sujet sur lequel nous ne manquons jamais de tomber d'accord. Nous trouvons formidable Sabîl, le CD du oudiste jordano-palestinien Ahmad Al-Khatib, et aussi que de plus en plus d'échos de la vie musicale nous parviennent de Palestine. Par exemple, dans le dernier numéro du splendide magazine Qantara, le magazine de l'Institut du Monde Arabe, il y a un article sur le jeune luthier palestinien Shehada Shalalda recommandé par Ramzi Aburedwan, le fondateur du projet Al Kamanjâti. La lumière qui nous vient de réalisations apparemment si modestes n'a pas l'éclat aveuglant des déflagrations homicides, elle n'en passe que mieux sous la porte.
Mes bonnes pensées ainsi qu'à vos frères de détention.



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Lettre n° 35

12 juin 2015




Et nous revoilà en juin ; les mois défilent, les années défilent, pour ne rien dire de la vie qui elle aussi défile. En tout cas l’été revient, c’est-à-dire un peu de chaleur, et avec la chaleur et la lumière, les fleurs du jardin, et avec les fleurs du jardin une colonie de bourdons qui les butinent, — la pure symphonie champêtre ! Du matin au soir, ils butinent, ils sont infatigables. Je vous souhaite quand votre détention sera terminée, dans un an et demi si je ne m’abuse, de pouvoir l’entendre vous aussi, il n’y a rien de tel pour se refaire de bonnes pensées. Je bois un verre (de thé) à votre santé à tous. Portez-vous bien.


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Lettre n° 36

12 juillet 2015




C’est un été bien moins assourdissant que celui de l’an dernier où les manifestations contre l’horrible agression de Gaza nous tinrent durablement sur la brèche. Pas de quoi pavoiser toutefois, les choses ne sont pas là d’infléchir leur cours à court terme, sans parler des terrorismes à grande échelle qui à leur tour ambitionnent d’occuper toute la place mais, bon, là nous retrouvons un peu de temps pour nous avant que le maelström emboîte le pas au méli-mélo et nous gobe tout crus, car après que l’existence ait été un typhon, c’est le siphon qui conclura la partie.
Une équipe d’archéologues a trouvé en Allemagne une flûte en os de vautour vieille de 35000 ans. Pas 3500 ans : 35000 ! Il y a 35000 ans, soit l’Homme de Néanderthal soit l’Homo sapiens – on ne sait pas qui des deux –, fabriquait déjà cet instrument dont la gamme de notes, nous dit-on, était semblable à celle de nombreuses flûtes actuelles.
On se figure que les questions devancent les réponses, mais ce n’est même pas insuffisamment dire les choses : les questions sont devancées par les réponses tout comme la réflexion l’est par l’action. Et c’est pour ça que la paix est une chose si relative. Je ne doute pas un instant qu’il y a 35000 ans les hommes se servaient déjà de préfigurations de kalachnikov pour s’accaparer la part des autres, ni que dans 35 000 ans il n’y aura plus personne pour jouer de la flûte. Moi, j’essaie d’en jouer de toutes sortes mais ce n’est pas enchanteur, je m’y suis pris trop tard, peut-être pour m’être obstiné à me fier à l’ordre d’apparition questions/réponses, quelque chose dans ce goût-là... Enfin, bref.
Je vous salue fraternellement ainsi que vos compagnons.



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Lettre n° 37

5 août 2015




Malgré l’atténuation des détonations meurtrières par rapport à l’an dernier, il n’était pas pensable que l’été pût être moins assourdissant. Et en effet, tandis qu’elle continue de se noircir en sous-main, la « colonisation » israélienne (il vaudrait mieux parler d’expropriation, d’expulsion) dédouanée de toute suspicion à son égard par l’ultra-orthodoxie religieuse qui s’est empressée de rallumer l’incendie, exhibe un blanchiment de façade qui n’illusionne personne au monde.
On pourrait penser que les Israéliens sont masochistes (ou sadiques selon la dose qui prévaut) mais à la longue ils m’apparaissent surtout comme étant sous influence, endoctrinés, manipulés, fanatisés, parce que, quand même, une telle unanimité ! Tout comme Wilhelm Reich a écrit La Psychologie de masse du fascisme dans les années 30, il faudrait que quelqu’un se mette à écrire La Psychologie de masse du sionisme ; il y a quelque chose qui aujourd’hui fait système sous cet angle.
S’évertuer à prétendre que Téhéran, le Hamas ou je ne sais qui d’autre veut leur ruine, ne saurait cacher l’aveuglement qu’ils pratiquent et l’insondable pulsion d’autodestruction qui les anime.
Je vous salue fraternellement ainsi que vos compagnons.


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Lettre n° 38

5 septembre 2015



Septembre ! En septembre, les vacances terminées, pour beaucoup de monde la vie de tous les jours reprend son cours.
À Lille, il est une tradition très ancienne qui n’est ni plus ni moins qu’un marché devenu avec le temps très particulier puisqu’il consiste à vendre de vieux objets dont on se débarrasse : ce marché très particulier s’appelle braderie (du verbe brader : vendre des objets à n’importe quel prix), et la braderie de Lille, la plus grande d’Europe, attire des millions de personnes qui viennent des quatre coins de France mais aussi du monde, les uns pour vendre, les autres pour chiner (chiner : fouiller dans les objets d’occasion, beaucoup d’objets d’occasion, insignifiants, rentrant dans la catégorie on peut dire poétique de ce qu’on appelle bricoles) : un pèlerinage quoi ! Un pèlerinage voué aux vieux objets, aux bricoles. Par exemple, Dan est revenue avec un tombereau de livres enfantins qu’elle a acheté pour notre petite fille.
En principe ça dure trois jours et deux nuits sans interruption dans une très grande partie de la ville, en réalité des marchands déjà installés depuis parfois une semaine vendent sans trop se faire voir car alors ce n’est pas autorisé. La coutume veut que le jour de la braderie on mange des moules et des frites. Une fois le repas terminé, les restaurateurs versent les coquilles vides des moules sur la chaussée jusqu’à en faire des montagnes.
Voilà, dans le Nord de la France où tout au long de l’année, chaque ville, chaque commune, chaque village organise sa propre braderie, c’est comme ça. Et c’est peu dire que les gens les fréquentent massivement. Comme avec n’importe quelle manifestation populaire, n’importe quelle fête, leur esprit capté par l’étalage des bricoles fait une pause, oublie les multiples soucis, retrouve le goût de la communauté humaine à ce moment-là réconciliée avec elle-même, ce qui me semble le sens premier de l’existence. Après quoi s’en viendra l’automne qu’on appelle ici été indien et qui est ma saison préférée.
Je pense toujours bien à vous ainsi qu’à vos frères de captivité.
PS : Cette année l'association France-Palestine a participé au semi-marathon. Le drapeau palestinien a été déployé dans les rues de Lille.

 
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Lettre n° 39

12 octobre 2015



Et revoilà la pauvre Palestine à nouveau la proie d’un cycle d’agressions encore plus... non, pas encore plus, le tribut payé à la liberté, à la souveraineté et aux droits fondamentaux est déjà tellement immense que le plus est excédé depuis longtemps. J’admire vraiment la résistance, la capacité surhumaine de résistance, du peuple palestinien. Souvent je me demande comment il fait, ce peuple si souvent saigné à blanc, pour ne pas désespérer, d’où lui vient un tel courage.
Et d’un autre côté, car les Israéliens ne sont pas des mutants, pas des monstres, ils sont de chair et d’os comme tout le monde, comment une telle folie en arrive à se propager en système haineux si unanimement plébiscité.
L’éthologie nous apprend que quand deux loups mâles se battent, le vaincu présente sa gorge en signe de soumission et le vainqueur alors se détourne sans l’achever. Est-ce que la compassion est issue de ce lointain comportement animal ?
Mais l’on sait aussi que dans certains cas des animaux peuvent redevenir horde et retrouver une insoupçonnable férocité, en arrivant même à tuer leur maître comme ce fut le cas de cette femme retrouvée morte, la plus grande partie du visage dévorée par ses quatre chiens rottweiler.
Je crois que nous touchons maintenant à quelque chose de cet ordre, quelque chose de viscéral, de pathologique où l’instinct de horde finit par l’emporter sur leurs appréciations et divergences idéologiques qui font la démocratie, puisque Israël est une démocratie. Je ne dirai pas que tous les Israéliens sont des brutes, mais force est de constater que la brutalité aveugle unit maintenant l’approbation la plus troublante avec la légitimation la plus abjecte. C’en est à se demander quel dieu de paix a jamais retenu le goût du sang de remonter à la surface.
Nous aspirons du fond du cœur à ce que vous soyez libéré (dans moins d’un an, n’est-ce pas ?).


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Lettre n°40

19 novembre 2015



La France vient brutalement d’entrer dans une zone de turbulence extravirtuelle qu’elle n’aurait jamais osé imaginer. Depuis le temps que les médias s’employaient à nous faire voir, à nous faire entendre, voire à nous persuader, que les guerres ne se passaient que « là-bas », que la guerre n’était que ce qu’étaient seuls capables de faire les autres. Bien sûr, nos politiciens nous avaient dit sans trop s’appesantir que la France était en guerre, mais pour la majorité des citoyens que cette confidence n’avait pas pour but d’effrayer, la guerre menée par cette infatigable pourfendeuse d’injustices n’impliquait pas que l’on fût deux à la faire : il s’agissait davantage d’une sorte d’euphémisme pour caractériser des opérations de police menées en divers endroits du monde et plus particulièrement, ces derniers temps, au Proche-Orient. Du coup, les morts sont beaucoup moins abstraits, plus difficiles à renvoyer dos à dos avec des adversaires lointains et abstraits. La guerre a toujours un prix. Nous pleurons nos morts, nos frères, nos enfants, nos amis, nos voisins, comme les Palestiniens pleurent les leurs depuis tant de temps, et ce faisant nous nous dessillons. Déjà le jeu d’alliances de notre pays s’en trouve substantiellement bouleversé, — ou comment la réalité se rappela à notre bon souvenir... 
Je vous embrasse fraternellement ainsi que vos frères de captivité.



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Lettre n°41

17 décembre 2015



 
Vu de France, la vie n’est pas tout rose (« La Vie en rose », c’est le titre d’une chanson d’Édith Piaf), le ciel n’est pas tout bleu, les prés ne sont pas tout verts, l’hiver n’est pas tout blanc, le sang n’est pas tout rouge : c’est la combinaison de ce que toutes ces choses ne sont pas qui confère au gris son triste empire. Jusqu’aux pensées qui se sont imprégnées de cette couleur qui en certains endroits se distingue mal de la boue. Les fabricants de gris doivent avoir d’énormes commandes ! Si au moins une coccinelle, que depuis le Xème siècle on appelle chez nous « bête à bon dieu », avait l’heureuse idée de venir mettre quelques-uns de ses petits points sur la réalité. Mais nous sommes en décembre, les coccinelles ont disparu, il faut attendre encore quelques mois avant de les voir réapparaître. Attendre et espérer, c’est aussi notre réalité. Tiens, puisque ça fait maintenant un certain nombre d’années que je t’écris, et puisque je pourrais être ton frère aîné, je te propose que nous nous tutoyions. Entre frères, c’est comme ça que ça se passe
Je t’embrasse fraternellement, également ceux dont tu partages le sort.


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Lettre n°42

20 janvier 2016


Pour nous, Français, qui dépendons du calendrier grégorien, ce mois de janvier marque le nouvel an à l’occasion duquel il est d’usage de présenter ses vœux. Les nouvelles années des calendriers hégirien, persan, éthiopien, chinois, etc., doivent donner lieu, elles aussi, à semblables attentions. Cette tradition est commune aux cultures.

Pour nous qui ne sommes pas devins, les dés étant pipés, il est exclu que nous nous hasardions à dire que des jours plus sereins nous tendent les bras. Le temps des dénouements n’est pas pour demain, mais pour ce qui te concerne, cher Ibrahim, je te souhaite de sortir de prison comme prévu en septembre prochain et surtout une bonne santé.

Je t’embrasse fraternellement, ainsi que ceux dont tu partages le sort et à qui j’envoie aussi mes vœux.

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Lettre n°43

15 février 2016




Les hommes désirent vivre en paix mais leur penchant naturel au conflit n’arrive pas à tirer profit de ce vœu pieux. Les hommes désirent le bonheur mais ils ont du mal à le partager. Les hommes aimeraient trouver des solutions mais leurs problèmes forment un méli-mélo inextricable. Regarde ce qui se passe en Syrie — je ne sais pas si dans ta cellule te parvient la pitoyable situation de ce pays — des rebelles de toutes obédiences qui luttent contre Bachar al-Assad, les uns pour se libérer de sa tyrannie, les autres pour grignoter un peu de plus-value, ledit Bachar al-Assad qui martyrise les populations. Des barbares (Daech) qui ayant envahi ce pays ainsi que l’Irak afin d’y créer un califat martyrisent aussi les populations tout en se battant contre Bachar al-Assad et contre les rebelles, certains soutenus par l’Europe, la Turquie, les USA, l’Arabie Saoudite. Des Kurdes qui se battent contre Daech mais que bombarde la Turquie. L’Iran, le Hezbollah et la Russie qui se battent aux côtés de Bachar al-Assad, la Russie allant jusqu’à bombarder les rebelles qui se battent pour se libérer du joug du tyran au grand dam de l’Europe, de la Turquie, des USA et de l’Arabie qui font profil bas. La Turquie et la Russie qui sont à deux doigts d’en découdre... L’Iran et l’Arabie Saoudite qui se toisent à défaut de se voler dans les plumes... Je dois oublier des protagonistes (Israël avec quelques coups de griffes ici et là doit bien se trouver quelque part dans l’écheveau). Tant et si bien que, tout le monde se trouvant en guerre contre tout le monde Daech qui finit par faire office de prétexte, ou d’alibi, dans le chassé-croisé des règlements de comptes se voit relégué au second plan s’il faut en croire les informations qui nous parviennent. Je te parle de ça pour ne rien ajouter que tu saches concernant la situation de ta patrie aujourd’hui face à l’adversité impitoyable. La Syrie qui comptait une bonne vingtaine de millions d’habitants est aujourd’hui purgée d’une moitié partie errer sur les routes mal famées du monde pour échapper au massacre. Le pire c’est que ce n’est pas seulement insensé, absurde, criminel, c’est aussi l’endroit où toutes les intérêts rivaux du monde s’en vont croiser le fer : c’est machiavélique. Pauvre Proche-Orient ! Quand arriverai-je à te faire part de choses réjouissantes ? Enfin, quand même une : nous avons vu il y a quelques jours un excellent récital du chanteur palestinien Khairi Hatem (cf. photographie) devant une salle pleine à craquer. C’était très chaleureux. 
Je t’embrasse fraternellement.

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Lettre n°44

24 mars 2016



Les attentats qui pleuvent sur l’Europe en ce moment donnent une (très petite) idée de la terreur qui est infligée au peuple palestinien. Encore faut-il que cette idée vienne à l’esprit, or quand il y a des drames de ce côté-ci du monde, c’est forcément son organe vital qui est touché — rien à voir avec Gaza : les plaies ne sont pas les mêmes et la misère des autres ne saurait arriver à la cheville de la misère des uns. Et pourtant, comme tout cela participe d’un système sans discontinuité ! Aujourd’hui on dit mondial ou mondialiste comme hier on disait impérialiste mais rien de tout ça n’est fini. Sur la notion de « guerre » que notre premier ministre assène de façon suffisamment insistante pour qu’on finisse par sentir qu’entre le message donné comme explicite et la puce qu’il nous met à l’oreille il y a deux, je ne te donnerai pas mon avis ici mais une chose est sûre, ce qui se passe dans la mondialisation — pour ne pas dire le monde — arrange bien des desseins et annonce bien des cocktails à venir. De telles choses ne coûtent pas cher, ce sont les peuples qui payent.

J’espère que tu portes bien et t’embrasse fraternellement.



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Lettre n°45

19 avril 2016

Si on n’y prenait garde, si on se laissait aller, si on se laissait faire, on radoterait. Ce n’est pas qu’on oublie ou qu’au fond de soi on ne rumine pas — bien au contraire, les sujets ne manquent pas —, c’est qu’arrivé à un certain point les ressources du langage sont épuisées et qu’à cet endroit parler et ne rien dire reviennent au même. Ce certain point concerne le fait de pouvoir agir ou pas ; quand parler n’implique plus quelque agir que ce soit, tendre l’oreille en direction de ce qui, de l’autre côté du miroir, bouge et régénère n’est pas décrocher.

Ce dimanche, j’accuse le poids de la chape de mots, de la chape d’informations. Le Pouvoir travaille le citoyen à l’overdose, il le gave comme on gave les oies jusqu’à ce que son esprit devienne obèse : voici des mots, pas des mots doux, de bons gros mots, de bonnes grosses « informations » : — Digère-nous tout ça, mon gars !

Pendant que je t’écris j’écoute de la flûte japonaise (shakuhachi). À la fin du mois, après le Trio Joubran, Tamer Abu Ghazaleh et Khairi Hatem vus précédemment, nous irons assister au concert de la chanteuse palestinienne Kamilya Jubran. 
Je t’embrasse fraternellement, et amitiés aussi à tes compagnons.


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Lettre n°46

20 mai 2016


 
Le grand remue-ménage en France continue, le Pouvoir « socialiste » assujetti aux multinationales et à la finance sans rivages tâche de faire passer en force une loi du travail parfaitement rétrograde, et même doublement en force car l’ensemble de ses forces de police est maintenant lâché contre le peuple en colère. Dans certaines villes les scènes de grande violence deviennent monnaie courante, le climat insurrectionnel qui gagne insensiblement les manifestations montre que l’État est incapable de refermer la boîte de Pandore qu’il a ouverte. Pour l’heure c’est notre pays qui est frappé par cette restriction du droit, mais nous ne nous y trompons pas, avec la mondialisation et ses diktats marchands partout les mêmes ce genre de situation est appelé à se propager. Ceux qui voient les choses en termes d’universalité feraient bien de s’inquiéter de ce qu’un certain fascisme ne s’universalise pas lui aussi. Et là, la non-reconnaissance internationale de l’État palestinien souverain, libre et indépendant me semble la pierre angulaire de ce malaise dans la civilisation, comme l’appelait Freud. Si les Puissances ne marchent pas à la paix c’est que la paix est économiquement parlant de peu de profit. Du point de vue de nos sociétés et de la croissance économique qui leur est une conscience, la paix c’est « peau de zébi » comme on dit pour « rien » : le degré zéro du tout progrès ! Bon, on verra bien ce que nous apporte juin. 
Amitié fidèle à vous tous.


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Lettre n°47

27 juin 2016


Il y a quatre jours j’avais commencé à t’écrire ceci : « Pour cette fois-ci tu trouveras ma motivation bien prise au dépourvu. Cette nuit j’ai la cuisante impression que les mots glissent sur la surface de la réalité, impression que la réalité est ce sur quoi les mots glissent, ce sur quoi le langage patine, comme si la réalité était couverte d’une couche de verglas, à moins qu’elle ne fût cette couche de verglas », et puis je me suis interrompu, pas inspiré...

Il y a que l’Europe déprime dur en ce moment : les puissants s’alarment parce que leur hégémonie fait des vagues mais surtout les peuples dont les ailes ont déjà bien été rognées au fil des cinquante dernières années tâchent à nouveau de relever le front — leur tâche est rude. En période de récession comme celle dans laquelle nous sommes installés, il apparaît de jour en jour qu’il n’est dans la nature d’aucun pouvoir politique, pour ne pas dire économique, de leur accorder le droit au minimum vital sans leur en faire payer le prix fort. Toute proportion gardée, la mondialisation ayant planifié l’interdépendance marchande, il ne faut pas gratter beaucoup pour trouver que ce qui se passe en Palestine a sa transcription en France...

Quand même, aujourd’hui le soleil est là, ce qui n’a été que rarement le cas en juin. Dan est en bas au jardin en train d’écrire et moi dans mon bureau, j’alterne le courrier et la flûte. 
Notre amitié à vous tous.



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Lettre n°48

20 juillet 2016


Contrairement à nombre de régions du monde, celle où nous vivons, au nord de la France, est une région où le soleil, facétieux, aime à jouer à cache-cache avec les nuages (il y pleut en moyenne 127 jours par an, mais même quand il n’y pleut pas le ciel n’est pas du plus éblouissant des bleus). En contrepartie, le Nord est très verdoyant, — humide et verdoyant. Je te dis ça parce que depuis deux jours il fait enfin très beau (32 ° à ma table de travail) et que je n’ai pas le cœur à épiloguer sur « nos » drames : mon avis aujourd’hui serait que celui qui règne sans partage sur le monde, c’est le ver du fruit (quoique je reste disponible pour en changer). 
Nos bonnes pensées à vous tous.


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Lettre n°49

10 août 2016





C’est un curieux été. Peut-être que si je m’étais penché sur la nature des étés précédents j’aurais pu leur trouver à eux aussi, en cherchant bien, un air de curiosité, mais les faits sont là : ce n’est que cette année que ça me vient. D’abord il y a les dramatiques événements qui saignent les peuples à blanc. Conjointement, la collusion de ces dramatiques événements avec une misère politique qui est loin d’être indifférente à la misère des choses de l’esprit en général. Et le climat qui ne sait plus sur quel pied danser. Et plus intimement cette sorte de regard, lui-même curieux qui vous vient avec l’âge, comme s’il s’affûtait à mesure que les sens baissent. Et puis quoi encore ? Qu’on ne me dise pas que tout ça ne fait pas système ! Ces hauts et bas du temps avec forte prédilection pour le bas, c’est ce qui s’appelle un maelstrom. Et c’est un fait que, tant que la sphère convergente des catastrophes physiques et métaphysiques à laquelle nous avons affaire ne se dénouera pas, toute considération complotiste se suffira du fond de vérité qui lui est nécessaire et suffisant. Heureusement, nous ne sommes pas dépourvus de toute défense (chère vieille vitalité !). 
À toi le meilleur de nos pensées.

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Lettre n°50

20 juillet 2016




  Ce 50ème courrier est aussi le dernier que Dan et moi t’envoyons puisque théoriquement ton incarcération prend fin le 26 courant. Comme je ne suis pas sûr que la machine judiciaire israélienne ne trouvera pas une entourloupe in fine pour t’empêcher de recouvrer la liberté il me faut de surcroît espérer que ce courrier sera bien le der des der. Si t’écrire fut une goutte de résistance dans l’océan saumâtre de l’arbitraire et de la force brutale, elle restera un honneur dans nos esprits. Je souhaite de tout cœur que la France rompe avec son lâche alignement sur la politique israélienne, je souhaite de tout cœur que la communauté internationale et l’ONU fassent enfin montre d’une détermination face à l’intolérable et conviennent de sanctions à l’encontre d’Israël, et surtout je souhaite de tout cœur que tu puisses reconstruire ce dont tu as été privé pendant dix-huit ans. Longue vie paisible à toi ! Tes amis de France.


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Pour info :


Juillet 2012 - L'Association France-Palestine Solidarité invite ceux des membres de l'association qui le désirent à parrainer un/e prisonnièr/e politique palestinien/ne*. Cela consiste pour le parrain ou la marraine à envoyer mensuellement en Israël un courrier au prisonnier ou à la prisonnière dont il ou elle aura reçu le nom et l'adresse de la prison dans laquelle il ou elle est détenu/e – sans préciser l'adresse de l'expéditeur afin que le courrier ne soit pas retourné. De ce fait parrains et marraines ne recevront pas de réponse. Une liste de données pour 4500 prisonniers palestiniens a été constituée. En janvier 2013, 1700 parrains et marraines sont inscrits.
Nous savons, fin 2013, par la bouche de prisonniers récemment libérés, que les lettres parviennent à leurs destinataires, du moins pour un certain nombre.
Pourquoi parrainer un prisonnier politique palestinien :
http://www.france-palestine.org/IMG/pdf/parrainage_des_prisonniers_palestiniens_-_fiche_projet-vf.pdf

Janvier 2013 - Environ 4500 prisonniers sont à ce jour détenus dans les prisons israéliennes, dont des femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes malades.

Avril 2014 - "Bonjour à vous, Parrains et Marraines,

Nous vous rappelons que le bon contact pour avoir des informations sur les prisonniers politiques d’une façon générale ou pour une question précise sur "votre" filleul est uniquement l’adresse suivante : soutienprisonniers@gmail.com
C’est la seule adresse utile puisque c’est l’adresse dédiée à l’activité de la campagne de parrainage ! L’utiliser permet d’alléger la tache de Lamia... Et d’être plus réactif ! Alors, pensez-y s’il vous plaît...
En bientôt 2 ans de campagne, nous sommes maintenant 2 623 parrains et marraines, dont environ 50 % sont des adhérents de l’AFPS.
Il y a aussi des parrains et marraines "spontanés", en Angleterre.
Début 2014, plus de 5 000 prisonniers palestiniens, sont incarcérés, dont 181 adolescents de moins de 18 ans, 14 membres du Conseil législatif (parlement palestinien) et 12 femmes. Alors, n’oubliez pas que l’on peut parler de notre engagement autour de nous.
Dans les bulletins, nous diffusons les traductions de lettres reçues directement par des parrains, mais également à l’AFPS.
Ces lettres sont un encouragement à persévérer. Elles nous permettent de savoir que nos envois sont souvent distribués et que quand ils arrivent, ils sont lus avec attention, circulent au sein de la prison, sont importants au moins en tant que traces de solidarité et très certainement une source de joie, là où il y en a peu."
Décembre 2014 - Le Parlement européen affirme son « soutien » à la reconnaissance d'un Etat palestinien, dans une résolution de compromis promue par les principaux partis de droite et de gauche, des démocrates-chrétiens aux communistes. Le texte a été adopté par 498 voix pour, 88 contre et 11 abstentions.

Avril 2015 - Journée de soutien aux prisonniers politiques le 15 avril.
Environ 7200 prisonniers politiques palestiniens sont détenus dont des enfants, des femmes, des personnes âgées et des personnes malades. Cinq fois plus de détenus administratifs palestiniens sans procès en 2015. (In AFPS avril 2015). Voir le lien :
http://www.france-palestine.org/Cinq-fois-plus-de-detenus-administratifs-palestiniens-sans-proces-en-2015 

 Mai 2016 - Au sujet de la Palestine voir sur le blog de l'avocat Gilles Devers(20/05/2016) :

http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2016/05/20/palestine-la-france-organise-sa-prochaine-humiliation-928845.html

Août 2016 :-"Selon l’ONG israélienne B’Tselem, 6 295 Palestiniens sont actuellement détenus dans les prisons israéliennes. Un record depuis 2009." (in AFPS août 2016). Voir le lien :
http://www.france-palestine.org/A-Ramallah-une-manifestation-de-soutien-a-Bilal-Kayed-en-greve-de-la-faim


Novembre 2017 - Pour le peuple palestinien, la dépossession continue 100 ans après Balfour

http://www.france-palestine.org/Pour-le-peuple-palestinien-la-depossession-continue-100-ans-apres-Balfour
Le 2 novembre 1917, dans une lettre adressée à M. Lionel Walter Rothschild, représentant du Mouvement sioniste international, M. Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, déclare : « Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif ».
Cinq ans plus tard, la Société des Nations mettait en place le système de « mandats » sur les pays du Moyen-Orient issus du démembrement de l’Empire ottoman. La résolution du 24 juillet 1922 de la SDN donnant mandat aux Britanniques sur la Palestine reprenait intégralement le texte de la déclaration Balfour excluant, contrairement aux autres mandats, tout projet d’émancipation nationale et de création d’un État indépendant pour les Palestiniens. Ainsi se mettait en œuvre, sous protection britannique, le début du processus de dépossession des Palestiniens par le mouvement sioniste.
Ce processus se poursuit depuis 100 ans. Il trouve encore son prolongement dans le développement exponentiel de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que dans le projet de loi récemment adopté par le parlement israélien qui ferait d’Israël un État-Nation juif, officialisant ainsi la politique d’apartheid mise en place au détriment de ses citoyens palestiniens.
L’ensemble des puissances occidentales, en reprenant à leur compte la déclaration Balfour, portent une responsabilité écrasante dans la dépossession dont a été victime le peuple palestinien. Après 100 ans d’injustice, la paix ne pourra venir que par la reconnaissance par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à édifier un État sur l’ensemble du territoire occupé par Israël en 1967 y compris Jérusalem-Est, à la liberté de circulation de tous les Palestiniens et au retour des réfugiés palestiniens.
Aussi, face à un État qui ne respecte ni le droit international ni les multiples résolutions de l’ONU, il est temps que la France et les Etats membres de l’Union Européenne s’engagent concrètement pour que soient reconnus les droits fondamentaux de tous les Palestiniens, quels que soient leur statut et leur situation. Il faut que des sanctions viennent mettre fin aux nombreuses violations du droit international par Israël. Il faut aussi reconnaitre dès maintenant l’État de Palestine avant que toute perspective d’autodétermination du peuple palestinien ne soit rendue impossible par la politique permanente du fait accompli pratiquée par l’État d’Israël.
Le 2 novembre 2017
Le Bureau national de l’AFPS

http://www.france-palestine.org/La-Declaration-Balfour
http://www.france-palestine.org/Le-Mandat-britannique-24-juillet
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*Pour par­ti­ciper à l’opération par­rainage, il suffit de
- s’inscrire sur le site de l’AFPS
- ou écrire à l’AFPS : 21 ter rue Vol­taire – 75011 PARIS
- ou écrire à Soutien Pri­son­niers soutienprisonniers@gmail.com

http://www.france-palestine.org/Parrainer-un-e-prisonnier-e
Association France Palestine Solidarité (AFPS),21 ter rue Voltaire 75011 Paris



 



Perte du territoire palestinien de 1947 à nos jours




Quelques vidéos de Guy Ferdinande sur les manifestations en soutien à Gaza bombardée cet été 2014 :
https://www.youtube.com/channel/UCrHZB0DOQrN-145eGqC3axQ

https://www.youtube.com/user/MerryCommunistParty/videos

(Sous le nom d'Efendy Durgany : mêmes manifestations mais autres vidéos)


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à lire sur le site de l'UJFP
(Union Juive Française pour la Paix)
http://www.ujfp.org/

Israël contre les Juifs
jeudi 19 février 2015 par Pierre Stambul

http://www.ujfp.org/spip.php?article3885











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Palestinian mother and child
(vitrail)
Un hommage de Mo, artiste londonienne, novembre 2011