Texte : Guy Ferdinande, Tintin ! ou Homme es-tu là ?



Tintin !
Homme, es-tu là ? —


C’est vrai que je me suis toujours demandé qui était l’Homme, l’Homme avec un grand H, l’Homme souverain, celui qui a fait dire : « Regardez-le bien, c’est lui là-bas ! ». L’Homme des Lumières, l’Homme profond, l’Homme maître et possesseur de la nature selon Descartes, l’Homme des Droits de l’Homme : qui était-il cet Arlésien, ce rayonnant ténébreux ? L’auriez-vous reconnu dans la rue ? Lui auriez-vous accordé la main de votre fille ? Un ange peut-être... Loin de toute anthropologie, ne pouvait être l’Homme homme qui voulait. L’Homme était au fond du puits. Comme vous vous en doutez, il n’y était pas vraiment seul, mais s’il avait là une terre je ne vois que la France dans le rôle de cette terre ! Un bel Occidental ! — Blanc ! Blanc comme ce fer de lance de la vérité. Rien d’accidentel à cela, terre et histoire se sont toujours prêtées l’une à l’autre. La France n’est-elle pas l’ombilic du monde ? Maligne la France, quand elle veut se le regarder, elle y est déjà ! L’Homme itou : « Ce nombril c’est tout moi ! ».
Exister : tu quoque, fili ! logiciel par défaut, pfuit à l’envi.
Qui dit droits entend démocratie, et réciproquement qui dit démocratie entend droits, en substance : liberté. Élémentaire, la liberté ! S’il ne doit pas être sorcier de percevoir le cri de la privation de liberté, distinguer distinctement la confidence de sa non-privation octroyée par ce qu’on appelle démocratie est une autre paire de manches. En fouillant bien dans tous les coins et recoins, l’empire de la démocratie surplombant le monde, on en retrouverait d’autant plus les points culminants que quelque chose d’eux dépasse encore mais qui, comme les icebergs et les glaciers, fond à vue d’œil. Ainsi le Français qui est au fond du puits a le droit d’acheter son essence à des pays exempts de libertés pour pouvoir arriver à l’heure au gagne-pain ou le week-end à Bray-Dunes. Soyez-en remerciés, pays qui n’avez pas inventé la liberté !
Exister : faute de mieux, c’est râpé, tragédie banale à mourir.
Le fond du puits n’est pas large et le manque de lebensraum, de living space, de ζωτικού χώρου, de coudées franches ou de מרחב מחיה, se révélant dans le même temps bord du gouffre il en résulte que le bord du gouffre est aussi une terre. Est-ce que chacun voit bien midi à sa terre ? Pour l’Homme majuscule, occidental et démocrate, ce que les autres étaient moins, voire pas du tout, cette faculté de faire du bord du gouffre un bord du gouffre ressemblant à s’y méprendre à un fond du puits universel résultait d’une remarquable conjonction de mérites : travailleur (courageux !), intelligent, rigoureux, instruit, vigoureux, responsable. Cocktail qui a fait sa spécificité. Ce qui ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir d’écueil, le Français n’est pas si supérieur que cela aux autres, il est seulement tombé plus haut que terre au bon moment. Doit-il renoncer au fait que ce n’est pas de sa faute ? Renonceriez-vous, vous ? Aucune raison qu’il troque « droits de l’Homme » contre « devoirs des hommes » ; qu’il ne soit pas au-dessus de tout soupçon ne signifie pas qu’il soit au-dessous.
Exister : conséquence d’un rut majeur consommé sur place,
partie de strip-poker, maladie sexuellement transmissible.
D’accord, je papote, mais c’est entre nous. Tous autant que nous sommes, nous sommes des hommes, c’est-à-dire des autres, moi je suis un autre, rien qu’un autre comme aurait pu chanter Alain Barrière, pas plus en avance que qui que ce soit ; français, d’accord ! mais l’Homme, lui, l’Homme qui n’était ni un homme ni un autre ? Figure sécurisée du Dieu des prêtres, il anticipait le colon planétaire auquel la majuscule ne messied pas non plus : le Colon, les droits du Colon ! Si les Américains ne se débarrassèrent pas exactement des Amérindiens comme les Allemands des Juifs, c’est que le Seigneur de la petite prairie était à leurs côtés, c’est qu’ils étaient libéraux et pionniers d’une liberté indivise, détenteurs d’un sémantisme à barillet, promoteurs de l’exclusivité de leur homo sapiens générique, et prêts à tout.
Exister : macache, vache maigre en chien de faïence à poil dur dans le cul
Si les Israéliens ne se débarrassent pas exactement des Palestiniens comme les Allemands des Juifs, c’est qu’ils sont peuple élu et non race supérieure. Sinon, bien sûr, que les untermenschen surnuméraires aillent au diable ! L’antisémitisme, aussi judicieusement énoncé que nécessairement dénoncé monnaye son infortune comme un racisme de haut lignage anobli par le surnom de Jacob, Israël, donné à cet État. C’est ainsi qu’il est dispensé de l’article qui eût été utilisé si cet État s’était appelé la Judée, la Samarie ou la Galilée : nom propre pour mythe anthropophage ! Tsahal, son armée grassement vitaminée, est aussi un nom propre qui vous laisse « les mains douces et blanches », pour ne rien dire de Shoah ou Holocauste pour génocide. La nomination en tant que miroir aux alouettes laisse loin derrière les racismes de bas étage proférés quasi officiellement envers les Rroms, les Noirs ou les Arabes parqués dans ces mini-Gaza que sont devenues certaines ZUP. L’antisémitisme est au péché mortel ce que le racisme est au péché véniel, le Colon disant à l’autre : « Oui à l’antisémantisme, on n’a pas gardé les torchons ensemble ».
Exister : bernique, chienne du cadet des soucis,
pas même une bombe à retardement
Au président français qui, contre tout principe, vient de fustiger l’importation du « conflit israélo-palestinien », mais non l'exportation d'avions Rafale à ceux qui entretiennent ce conflit, faut-il rétorquer que ce produit d’importation a deux fois Jaffa pour nom ? Une fois effacé et une fois surécrit. Mais l’Israël a trop besoin de l’exporter avec le subséquent antisémitisme dont il choie dépens et usufruit sans lesquels la vassalisation du président et celle de son aréopage ministériel n’auraient pas cet air de flegme impartial. La première fois que j’ai entendu amalgamer antisionisme et antisémitisme, c’est sous la plume de Simone Veil. Elle n’était pas la première, le verdict avait fait ses classes. Au chapitre des associations il était impératif de négliger que pour un raciste « youpin » ou « bicot » sont les expressions réversibles d’une même névrose. Or « sale Arabe » est une insulte patriotique en Israël. Dans la conscience qui est la sienne, cet État a-t-il soupesé à quel point son architectonique ne tient qu’à l’angle mort qui lui sert de point de vue.
Exister : voyage dont on ne revient pas qui revient de loin,
marche ou crève, chose mortelle mais en pire
Le choc des civilisations qui est le chic de certaines d’entre elles, ce sont les démocraties qui pour être mondialisantes, c’est-à-dire totalisantes ou mieux encore totalitaires et pourquoi pas mondialitaires ou mondiamilitaires, doivent l’étalonner et le distribuer. Sur terre on trouve des démocraties et réciproquement des non-démocraties. Les non-démocraties sont données pour l’eau croupie qu’infestent les moustiques, sans droits, sans liberté, hostiles à tout progrès, à toute connaissance, imperméables à tout discours, entre groin et grognements. Il est crucial pour les démocraties qu’il y ait des non-démocraties. Vers quel sourd effacement iraient-elles s’il n’y avait pas de non-démocraties ? Vers quelle sombre disparition iraient-elles s’il n’y avait la guerre ? Multinationalité pour les uns, aucune nationalité pour les autres. Pourtant, ce serait mesquinerie que de distinguer un Israélien d’un Palestinien aux multiples nationalités du premier tandis que le second n’en a point. Les Juifs ne sont pas tous israéliens ou sionistes, les Israéliens ne sont pas tous sionistes, mais tous les sionistes qui ne sont pas nécessairement juifs sont, derrière leurs cohortes de chars d’assaut rutilants, les mandataires de la mort de l’Homme. Nombre d’entre eux exercent en France qui, pour avoir été le pays de la naissance de ses Droits est, comme il lui revenait, celui de ses funérailles.
Exit : linceul de solitude, à la vie à la mort comme à la croque au sel, salut la compagnie.